S.aureus et démangeaisons : Les dessous du mécanisme d'action de cette bactérie prurigineuse
Comprendre pourquoi la peau démange pour soulager les patients souffrant de prurit : tel est en substance l’objet de ce travail qui décrypte comment S. aureus induit une irrépressible envie de se gratter.
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A propos de cet article
La démangeaison, bien qu’anodine en apparence, peut vite devenir difficile à vivre lorsqu’elle dure suffisamment pour perturber le quotidien voire le sommeil, et générer des lésions de grattage. Le prurit, associé à une dysbiose du microbiote cutané, constitue aussi, et surtout, un facteur important dans la baisse de qualité de vie des patients atteints de maladies de peau (dermatite atopique, psoriasis…). Mais comment expliquer ce prurit ? Les résultats d’une étude publiée en 2024 montrent que les neurones sensoriels dédiés, ou (sidenote: Pruricepteurs Les pruricepteurs sont les neurones sensoriels à l'origine des démangeaisons et de l'envie de se gratter. Les terminaisons nerveuses des pruricepteurs se trouvent principalement dans l'épiderme, contrairement aux nocicepteurs, qui innervent à la fois la peau et les tissus plus profonds. Source: https://www.has-sante.fr/jcms/c_2579446/fr/zontivity-vorapaxar-antiagregant-plaquettaire ) , seraient sous le joug de Staphylococcus aureus, un pathogène opportuniste qui déclencherait des démangeaisons.
De la bactérie S. aureus au grattage
Pour décrypter les mécanismes en jeu, des chercheurs ont mené un grand nombre d’expérimentations in vivo (souris) et in vitro (échantillons de peau et neurones, yc humains). Tout commence avec la bactérie S. aureus, capable de produire des protéines qui sont autant de facteurs facilitant la colonisation et l’invasion des tissus de l’hôte : différentes toxines (l’α-hémolysine et les phénol-solubles modulines) et une dizaine de protéases. L’une de ces enzymes bactériennes, la protéase V8, s’avère à la fois nécessaire et suffisante pour déclencher la démangeaison. Comment ? En induisant, chez les souris et chez l’homme, la stimulation des pruricepteurs via l’activation du récepteur sous-cutané « PAR1 » de ce neurone. La bactérie pourrait ainsi tirer avantage de la démangeaison induite : le grattage favoriserait sa dissémination sur d’autres zones corporelles voire à d’autres hôtes, et les lésions cutanées induites pourraient faciliter l’invasion du pathogène plus profondément dans la couche cutanée lésée.
90 % des lésions cutanées causées par la dermatite atopique sont colonisées par S. aureus, suspecté de déclencher une l'inflammation.
D’autres mécanismes également envisagés
Quant aux toxines sécrétées par S. aureus, l’expérience montre que l’α-hémolysine et les phénol-solubles modulines sont également capables d’activer des neurones sensoriels et de déclencher des démangeaisons. Néanmoins, des S. aureus incapables de produire ces toxines déclenchent malgré tout des démangeaisons chez la souris, ce qui laisse à penser que les niveaux de toxines bactériennes ne suffisent pas à expliquer et déclencher le prurit.
Bien entendu, il existe de nombreuses autres bactéries sécrétant des protéases, dont le rôle doit être étudié : Staphylococcus epidermidis produit la protéase EcpA qui provoque des lésions cutanées chez les patients atteints de dermatite atopique ; Streptococcus pyogenes fabrique la protéase SpeB, impliquée dans l'infection de la peau. Et quid des champignons, virus et parasites, dont l’éventuelle contribution des protéases au prurit reste inconnue ?
Soulager les patients
Dans l’attente, ces premiers résultats pourraient un jour aider à soulager les patients souffrant de démangeaisons cutanées répétées, par exemple en cas de dermatite atopique. En ciblant par exemple la protéase V8. Autre option prometteuse : le récepteur PAR1, dont l’inhibition (par du
(sidenote:
Vorapaxar
Le vorapaxar est un antagoniste de PAR1. Il inhibe l'action de la thrombine sur le récepteur PAR-1, empêchant la plaquette sanguine de s'agréger par cette voie. Aux États-Unis, il a été l approuvé par la Food and Drug Administration (FDA) comme médicament pour réduire le risque d'événements cardiovasculaires thrombotiques. En France, le service médical rendu en tant qu’antiagrégant plaquettaire a été jugé insuffisant.
Source: https://www.has-sante.fr/jcms/c_2579446/fr/zontivity-vorapaxar-antiagregant-plaquettaire
)
par exemple) suffit à réduire (sans néanmoins totalement supprimer) les démangeaisons, et qui représente donc une cible de choix pour le développement d’une nouvelle génération de crèmes topiques.