Psoriasis, dermatite atopique, rosacée : l’axe intestin-peau impliqué
Fortement vascularisés, densément innervés, largement impliqués dans les systèmes immunitaires, massivement colonisés par des communautés microbiennes : l’intestin et la peau partagent un certain nombre de caractéristiques communes22. Mais ce n’est pas tout : depuis quelques années, les preuves s’accumulent pour souligner l’existence d’un lien entre l’intestin et la peau (l’axe intestin-peau) voire intestin-cerveau-peau23.
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Chapitres
A propos de cet article
Le microbiote intestinal semble jouer un rôle actif dans la pathogénèse de diverses maladies cutanées comme le psoriasis, la rosacée ou encore la dermatite atopique.
Et ce via trois mécanismes : la composition du microbiote cutané, son effet barrière ou sa réponse immunitaire.
Ulcères cutanés ou psoriasis chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI); dermatite et psoriasis chez ceux souffrant de maladie coeliaque ; dysbiose intestinale et infection à H. pylori chez les personnes atteintes de rosacée ; etc. : nombreux sont les exemples d’associations entre pathologies digestives et cutanées22. Bien qu’encore en partie inconnus, plusieurs scénarios ont été proposés pour expliquer cet axe intestin-peau.
COMPOSITION DU MICROBIOTE CUTANÉ
Le microbiote intestinal pourrait influencer la composition du microbiote cutané23. Les acides gras à chaîne courte (AGCC : acétate, propionate…), produits de la fermentation des fibres par le microbiote intestinal, seraient impliqués : ils modifieraient la prédominance de certains microorganismes ou profils microbiens au niveau de la peau. Par exemple, la bactérie intestinale (voir tableau) Propionibacterium produit principalement de l’acétate et du propionate. Or, l’acide propionique possède un effet antimicrobien contre certains pathogènes cutanés, notamment un Staphylococcus aureus résistant à la méthicilline23. A l’inverse, les bactéries cutanées commensales S. epidermidis et Cutibacterium acnes s’avèrent beaucoup plus tolérantes aux variations des AGCC23.
INTÉGRITÉ DE LA BARRIÈRE CUTANÉE
Les enfants souffrant de dermatite atopique semblent également souffrir de dysbiose intestinale. Or, lorsque la barrière intestinale est lésée, la pénétration d’antigènes alimentaires, de toxines bactériennes ou de pathogènes augmente14. Par exemple, le phénol libre et le p-crésol, susceptibles de déséquilibrer la barrière cutanée et de réduire la production de kératine, peuvent être produits par les bactéries intestinales, notamment Clostridiales difficile14,22,23. Enfin, la vitamine D, dont le faible niveau a été associé à la dermatite atopique et au psoriasis, pourrait être régulé par le microbiote intestinal et participer à un mécanisme de signalisation entre le microbiote et l’hôte14.
Dans le cas de l’acné, les métabolites microbiens réguleraient diverses fonctions de la peau (prolifération cellulaire, métabolisme des lipides, etc.) via d’autres voies métaboliques14. Ainsi, une charge glycémique élevée, typique des repas adolescents des pays développés, influerait sur le métabolisme de l’insuline, et déclencherait l’hyperprolifération des glandes sébacées, de la lipogenèse et de l’hyperplasie des kératinocytes, contribuant ainsi au développement de l’acné14,23. Et cette influence serait bidirectionnelle : la voie métabolique impliquée affecterait en retour la composition du microbiote intestinal via la barrière intestinale. D’où un possible cercle vicieux via un rétrocontrôle positif de l’inflammation23.
RÉPONSE IMMUNITAIRE DE LA PEAU
Les mécanismes par lesquels le microbiote intestinal agirait sur le microbiote cutané mettraient également en jeu l’effet modulateur des microorganismes intestinaux sur l’immunité systémique22. Certains microbes et métabolites intestinaux vont faciliter les réponses anti-inflammatoires24. Par exemple, les AGCC exerceraient des effets anti-inflammatoires locaux et distants, notamment au niveau cutané22. À l’inverse, d’autres métabolites participeraient à la boucle inflammatoire et à l’apparition de pathologies cutanées : des bactéries filamenteuses favoriseraient par exemple l’accumulation de cellules pro-inflammatoires Th17 et Th123.
Dans le cas de la rosacée, certains auteurs suggèrent un lien avec Helicobacter pylori : la bactérie pourrait exercer des effets pro-inflammatoires par le biais de peptides11,22. D’autres mécanismes sont évoqués dans le psoriasis, mettant en jeu une diminution d’espèces bénéfiques comme Faecalibacterium prausnitzii13 ou encore Akkermansia muciniphila, une espèce jugée protectrice de l’intégrité de l’épithélium intestinal et des pathologies inflammatoires11. Chez ces patients dont le sang contient de l’ADN bactérien, des niveaux significativement plus élevés de marqueurs de réponse inflammatoire systémique (IL-1β, IL-6, IL-12, facteur de nécrose tumorale, interféron γ) sont observés11.