Les antibiotiques perturbent l'immunothérapie contre le cancer en induisant des réactions intestinales et immunitaires
Il a été démontré que l'administration préalable d'antibiotiques réduisait l'efficacité des inhibiteurs de points de contrôle immunitaires et altérait la composition du microbiome ainsi que la réponse immunitaire dans les cas de cancer gastrique avancé.
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A propos de cet article
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De plus en plus de preuves attestent que le microbiome intestinal influe sur la manière dont les inhibiteurs de points de contrôle immunitaires (ICI), tels que les inhibiteurs de PD-1, luttent contre le cancer. Jusqu'à présent, on ne savait pas vraiment si les antibiotiques administrés peu de temps avant l'immunothérapie avaient un impact sur les résultats, en particulier en cas de cancer gastrique avancé.
Dans une étude historique publiée dans Cell Reports Medicine 1, une équipe de recherche internationale a réuni des données probantes sur 329 patients ayant pris des antibiotiques dans le mois précédant le début du blocage du PD-1, ce qui a entraîné des conséquences négatives.
En tant que cinquième cancer le plus répandu au monde, le cancer gastrique avancé est la troisième principale cause de mortalité par cancer à l'échelle internationale. 2
Un écart de survie dévoilé par une analyse
L'analyse multicentrique a démontré que 44 à 46 % des patients atteints d'un cancer gastrique avancé avaient pris des antibiotiques dans les 28 jours précédant l'immunothérapie. Ce groupe ayant pris des antibiotiques au préalable (pATB) a enregistré des taux de réponse nettement inférieurs (1,5 % contre 11,8 %) et une durée de survie moindre par rapport au groupe non pATB après l'administration de traitements (sidenote: Anti-PD-1 inhibiteurs de points de contrôle (checkpoints) du système immunitaire, qui va lever l’inactivation par la tumeur du système de reconnaissance lié à la protéine PD-1 présente à la surface des lymphocytes T. L’efficacité du système immunitaire contre les cellules tumorales est restaurée. ) (pembrolizumab ou nivolumab).
Étonnamment, aucune différence de survie n'a été constatée avec le groupe ayant reçu des antibiotiques avant la chimiothérapie (N=101 patients ayant reçu de l'irinotécan comme chimiothérapie), ce qui indique des mécanismes spécifiques à l'immunothérapie.
Perturbation du microbiome et du système immunitaire
Pour comprendre ces mécanismes, l'équipe a réalisé un séquençage des gènes du microbiome sur de l'ADN génomique bactérien extrait d'échantillons de selles prélevés chez 24 patients traités par anti-PD-1. Cela a permis de quantifier les espèces de bactéries et les changements d'abondance bactérienne dus aux antibiotiques.
En outre, en séquençant les cellules immunitaires du sang au niveau individuel, il a été possible de comparer plus en détail les fréquences et les propriétés des sous-ensembles de cellules.
Les chercheurs ont mis au jour deux effets majeurs interconnectés de l'exposition aux pATB pouvant contrecarrer l'efficacité des inhibiteurs de PD-1 :
- Une diminution de la diversité globale des bactéries intestinales, notamment moins de « bonnes bactéries », comme les Lactobacillus gasseri.
- Une augmentation des cellules T CD8+ épuisées, surchargées en PD-1 et autres inhibiteurs de points de contrôle immunitaires, au lieu des cellules T effectrices plus robustes.
D'autres analyses computationnelles ont démontré que les indicateurs relatifs au microbiome et au système immunitaire étaient statistiquement inhérents aux résultats des patients : par exemple, plus les Lactobacillus gasseri sont abondantes, plus la survie sans progression et la survie globale sont longues. À l'inverse, un enrichissement disproportionné en cellules T CD8+ épuisées circulantes entraîne un pronostic plus défavorable.
Appel à la prudence lors de la prescription d'antibiotiques
Les auteurs recommandent vivement aux cliniciens d'étudier de près la nécessité de prescrire des antibiotiques et de chercher des alternatives avant le début de l'immunothérapie. Les antibiotiques doivent être prescrits avec prudence aux patients atteints d'un CGA et sur le point de recevoir des inhibiteurs de PD-1. Ils suggèrent d'envisager le recours à des interventions modulant le microbiome, comme la transplantation fécale, afin d'obtenir une meilleure réponse au traitement chez les patients pATB.
En soulignant le rôle du microbiome, cette étude a révélé un élément essentiel au sujet de l'immunothérapie contre le cancer. D'autres grandes études prospectives, accompagnées d'une analyse translationnelle, permettront de corroborer les conclusions de ces recherches ; cette découverte donne donc une impulsion aux résultats cliniques sur le cancer de l'estomac à un stade avancé, voire au-delà.