Quels sont les facteurs qui interviennent dans le développement du microbiote et la maturation du système immunitaire au cours de la petite enfance ?
La naissance constitue le plus gros changement environnemental de toute la vie. En effet le nouveau-né est exposé pour la première fois à une variété incalculable de microbes qui colonisent toutes les surfaces de son corps et entraînent l’établissement du microbiote commensal parallèlement à celui du système immunitaire. De nombreux facteurs interviennent dans la composition du microbiote intestinal et la maturation du système immunitaire du nouveau-né (Fig 3). Des anomalies dans le dialogue entre le microbiote et le système immunitaire à chaque étape du développement peuvent avoir des effets à long terme sur la susceptibilité aux maladies13.
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Chapitres
A propos de cet article
Auteurs
La naissance a un impact sur la composition du microbiote intestinal…
Par le Dr Travis J. De Wolfe
Le mode d’accouchement détermine le type de bactéries de la mère qui seront transmises à l’intestin du nouveau-né14. Les bébés nés par voie basse sont souvent porteurs de nombreuses bactéries intestinales qui synthétisent les lipopolysaccharides (LPS), un composant essentiel de la membrane des bactéries à Gram négatif capable d’entraîner le système immunitaire humain à répondre correctement aux menaces microbiennes15. En revanche, les bébés nés par césarienne sont prédisposés à la colonisation par des pathogènes opportunistes nosocomiaux14.
…ET SUR LA MATURATION DE LA STRUCTURE DU SYSTÈME IMMUNITAIRE
Ces différences de colonisation microbienne initiale peuvent affecter la maturation ultérieure des structures lymphoïdes innées locales et altérer la population de lymphocytes T régulateurs (Treg), ce qui peut avoir des effets à long terme sur la physiologie intestinale humaine. La maturation des lymphocytes T et l’induction de facteurs immunitaires peuvent protéger contre les maladies auto-immunes (diabète, sclérose en plaques...) qui se manifestent plus tard au cours de la vie ou, au contraire, contribuer dans certains cas à l’apparition de ces maladies15,16.
L'impact des antibiotiques sur le système immunitaire
Par le Dr Pascal Lavoie
Si les antibiotiques sont essentiels pour traiter les infections bactériennes graves, l’exposition inutile aux antibiotiques (c’est-à-dire lorsque l’infection est causée par un virus) doit être évitée car elle peut avoir de graves conséquences pour la santé. Chez l’adulte, l’utilisation prolongée d’antibiotiques peut conduire à la prolifération d’une bactérie pathogène intestinale appelée Clostridioides difficile. Cette bactérie peut entraîner de graves complications, parfois mortelles, notamment chez les personnes âgées17. L’abus d’antibiotiques favoriserait également la résistance aux antimicrobiens, ce qui limiterait les options thérapeutiques disponibles face à d’éventuelles infections18. Dans des modèles animaux, la perturbation du microbiote intestinal par les antibiotiques affecte le fonctionnement du système immunitaire et les seuils de réponse immunitaire19. Les données collectées chez l’homme indiquent que l’utilisation inutile d’antibiotiques augmenterait le risque de développer des pathologies chroniques, tels que le diabète de type I, l’asthme, les allergies ou encore l’obésité20. Il est bien connu que l’utilisation prolongée d’antibiotiques (> 1 semaine) réduit la diversité du microbiote intestinal, les nouveau-nés prématurés étant les plus vulnérables aux perturbations du microbiote. L’utilisation prolongée d’antibiotiques à large spectre chez la mère ou le nouveau-né prématuré réduit la diversité bactérienne de l’intestin, augmentant ainsi le risque de sepsis et d’entérocolite nécrosante21. Globalement, les données collectées chez l’homme plaident en faveur de l’idée selon laquelle le microbiote intestinal joue un rôle majeur en aidant les bébés à devenir des adultes en bonne santé. Si les risques liés à l’exposition excessive aux antibiotiques sont moindres chez l’adulte, ils n’en impactent pas moins le développement des réponses immunitaires. C’est pourquoi à tout âge les antibiotiques ne doivent être utilisés qu’en cas d’absolue nécessité.
Tout au long de la grossesse, des métabolites microbiens (dérivés du microbiote de la mère et de son alimentation) exercent une influence sur le développement du système immunitaire du foetus. La colonisation du microbiote commence dès la naissance, parallèlement au développement du système immunitaire. À ce stade, le nouveau-né se trouve encore sous protection maternelle grâce à l’allaitement : en effet, le lait maternel contient des antigènes bactériens dérivés de la mère qui stimulent la maturation du système immunitaire muqueux du nouveau-né. En ce qui concerne la colonisation du microbiote intestinal, ce sont les familles de bactéries Enterococcacae, Clostridiaceae, Lactobacillaceae, Bifidobacteriaceae et Streptococcaceae qui prédominent au cours des premières semaines de la vie. L’introduction d’aliments solides dans le régime du bébé provoque une augmentation de la diversité du microbiote intestinal, lequel se rapproche alors de celui d’un adulte : les Bifidobacteriaceae deviennent moins abondantes alors que Bacteroides, Ruminococcus et Clostridium gagnent en prévalence. Le type d’accouchement, l’allaitement, l’introduction d’aliments solides et la prise d’antibiotiques sont autant de facteurs qui façonnent le microbiote et le système immunitaire du nouveau-né.
Preuve de concept: la colonisation du microbiote intestinal est essentielle pour le développement du système immunitaire
Par le Dr Travis J. De Wolfe
Des études réalisées sur des souris axéniques montrent le rôle important que joue le microbiote pour empêcher le développement d’un système immunitaire défaillant22. Alors que les souris axéniques ont une capacité réduite de production de lymphocytes T auxiliaires CD4+, la colonisation sélective de ces souris par des Clostridia, un groupe de bactéries commensales, peut induire la production de ces cellules qui ensuite stimulent les défenses antimicrobiennes et protègent contre les infections de pathogènes23. Les souris axéniques ont une carence d’anticorps de type IgA, qui constituent un autre composant critique du système immunitaire. Ces anticorps fixent les bactéries commensales et les empêchent de s’échapper du tube digestif. La colonisation sélective des souris axéniques par une souche d’Escherichia coli ou par différentes souches de Bacteroides déclenche la restauration/normalisation rapide des IgA24,25.