Dysbiose intestinale masculine : quelles conséquences pour la descendance ?
La physiologie des testicules serait fortement affectée par la dysbiose intestinale. Ceci aurait des conséquences fâcheuses sur la santé de la progéniture lors de la reproduction. C’est le principal enseignement d’une étude menée sur des souris.
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A propos de cet article
Existe-t-il un axe de communication entre l’intestin et les cellules germinales ? Oui, à en croire une nouvelle étude publiée dans Nature. 1
La dysbiose, néfaste pour l’appareil reproducteur et la descendance
Des chercheurs du Laboratoire européen de biologie moléculaire d’Heidelberg et de Rome ont induit, chez des souris mâles, une dysbiose intestinale en leur administrant soit des antibiotiques non absorbables (qui ne traversent pas l'épithélium gastro-intestinal), soit de laxatifs osmotiques. Ils les ont ensuite accouplés avec des femelles en bonne santé et ont analysé leur progéniture.
Résultat : les bébés souffraient non seulement d’un poids plus faible à la naissance et de retard de croissance sévère, avec un taux de mortalité précoce 3,5 fois plus élevé que les portées issues de mâles en bonne santé.
L’analyse des appareils reproducteurs des pères souffrant de dysbiose révélait différentes modifications à la fois métaboliques, physiologiques et hormonales :
- des testicules de plus faible poids
- des modifications de l’architecture des tubes séminifères
- des quantités différentes de certains métabolites impliqués dans les fonctions des cellules germinales
- une dérégulation de certains gènes, notamment une baisse importante de l’expression de celui de la lectine, une hormone produite par les adipocytes, mais également par les cellules germinales.
La leptine, facteur de signalisation clé ?
Plus intéressant encore, chez des souris mâles mutantes pour le gène de la leptine (mimant l’effet de la dysbiose sur l’activité du gène de la leptine), les chercheurs ont noté des caractéristiques similaires aux mâles dysbiotiques (poids réduit des testicules, anomalies des tubes séminifères). Leurs spermatozoïdes présentaient également des changements dans l’abondance de certains « micro-ARN » connus pour jouer un rôle dans le développement du placenta durant la gestation.
En croisant ces mutants avec des femelles normales, les chercheurs ont noté que les embryons présentaient un nombre important de gènes différentiellement exprimés par rapport aux embryons issus de mâles en bonne santé. Pour les chercheurs, ceci démontre que la leptine pourrait bien être une molécule de signalisation importante de l’axe intestin-lignées germinales.
La fertilité des femmes sous l’influence du microbiote
En interagissant avec les œstrogènes, les androgènes ou l’insuline, le microbiote intestinal jouerait un rôle majeur dans le système endocrinien des femmes. Les études montrent qu’un déséquilibre de celui-ci peut entraîner la survenue de complications lors de la grossesse, mais également des maladies associées à l’infertilité comme le syndrome des ovaires polykystiques ou l’endométriose. Le microbiote intestinal est considéré aujourd’hui comme un organe endocrinien à part entière. 2
Un développement placentaire très perturbé
L’analyse des fœtus issus de mâles traités aux antibiotiques ainsi que de leurs placentas montrait en effet qu’il existait une régulation à la baisse de plusieurs facteurs importants du développement placentaire.
Parmi les principaux gènes exprimés différentiellement dans les placentas issus de croisements avec des mâles traités aux antibiotiques par rapport aux placentas issus de croisements avec des mâles en bonne santé, les chercheurs ont retrouvé plusieurs marqueurs cliniques de l’insuffisance placentaire, tels que ceux de la prééclampsie.
On retrouvait également :
- une réduction de certaines zones du placenta (zone labyrinthique)
- une altération de la vascularisation placentaire
- une baisse du facteur de croissance placentaire
En résumé
Cette étude démontre pour la première fois que l’environnement peut, à travers la modulation du microbiote intestinal, entraîner des défauts des spermatozoïdes susceptibles d’altérer la fonction placentaire et, donc, la santé de la descendance. Reste à savoir maintenant s’il existe un axe intestin-lignée germinale aussi chez l’Homme…Affaire à suivre !