Focus sur le gut microbiota for health summit (GMFH) 2018
Retour de congrès
Par le Dr. Julien Scanzi
Hépato-gastro-entérologie, CHU Estaing de Clermont-Ferrand et CH de Thiers, UMR INSERM/UdA U1107 Neuro-Dol, Faculté de médecine de Clermont-Ferrand, France
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La 7e édition du GMFH Summit s’est déroulée à Rome du 9 au 11 mars 2018. Cette année encore, médecins et chercheurs de renommée internationale se sont réunis pour partager les dernières avancées scientifiques en matière de microbiote. « Un domaine de recherche de premier plan », rappelle Francisco Guarner, président du comité scientifique et porteur d’un programme ambitieux.
Antibiotiques et microbiote intestinal
Le congrès a débuté par un symposium Biocodex consacré à l’impact des antibiotiques sur le microbiote intestinal. Le Dr. L. Armand-Lefevre a rappelé que les antibiotiques entraînaient une altération majeure du microbiote, d’autant plus importante que le spectre de l’antibiotique est large et que la concentration intestinale en antibiotique est élevée. De plus, la résilience du microbiote après une antibiothérapie peut être lente et incomplète. Outre ses effets secondaires bien connus à court terme tels que la diarrhée, la prise d’antibiotiques dans la petite enfance est associée à une augmentation du risque d’obésité, d’allergies et même de pathologies auto-immunes, a précisé le Dr. A. Mosca.
Comment diminuer ces risques ?
Tout d’abord en essayant de moins (et mieux) prescrire d’antibiotiques, mais si cela s’avère nécessaire, en associant aux antibiotiques un probiotique. Saccharomyces boulardii est de loin celui qui a le plus fort niveau de preuve dans cette indication, en limitant la dysbiose et en facilitant la résilience du microbiote après l’arrêt des antibiotiques. Le Pr. C. Kelly a aussi montré que S. boulardii diminuait le taux d’acides biliaires primaires au profit des acides biliaires secondaires, diminuant ainsi le risque d’infection à Clostridium difficile.
Notre mucus a besoin de fibres pour nous défendre
Notre consommation de fibres diminue de décennie en décennie, du moins en Occident, passant de plus de 150 g par jour il y a quelques générations à une dizaine de grammes par jour actuellement, et cela impacte directement la composition de notre mucus intestinal. L’équipe luxembourgeoise du Pr. M. Desai a en effet montré sur modèle murin que lors d’un régime pauvre en fibres, le microbiote intestinal utilisait les glycoprotéines du mucus comme substrat énergétique. Il en résulte un mucus intestinal érodé qui ne joue plus son rôle de barrière vis-à-vis de bactéries pathogènes telle Citrobacter rodentium, entraînant chez ces souris des colites létales [1].
Nouveaux biomarqueurs dans le cancer colorectal
Nous connaissions le rôle potentiel du microbiote dans la carcinogenèse colorectale. Le Dr M. Arumugam a montré, dans une étude métagénomique menée en collaboration avec l’équipe chinoise du Pr J. Wang, l’existence d’une « signature microbienne » du cancer colorectal (CCR), avec 4 biomarqueurs identifiés et significativement retrouvés chez des patients atteints de CCR comparativement aux sujets sains, dans des populations géographiquement différentes (Chine, Danemark, France, Autriche). Parmi ces biomarqueurs, deux gènes bactériens de Fusobacterium nucleatum (Fn) et Parvimonas micra (Pm) sont nettement surexprimés en cas de CCR [2]. Une autre étude récente a d’ailleurs confirmé l’intérêt de Fn comme biomarqueur des CCR, augmentant nettement la sensibilité du dépistage par test immunologique (FIT) et permettant de déceler 75 % des CCR non dépistés par le test immunologique classique [3].Avec cette avancée dans la reconnaissance d’une « signature microbienne » des CCR, nous pouvons imaginer dans un futur proche un dépistage du CCR chez des sujets asymptomatiques associant une recherche immunologique de sang dans les selles couplée à une analyse du microbiote.
Impact du microbiote sur la réponse à l’immunothérapie
On sait depuis quelques années que le microbiote intestinal a un impact sur l’efficacité des chimiothérapies. Depuis peu, des études montrent également que le microbiote joue un rôle majeur dans la réponse à l’immunothérapie. L’équipe du Pr. F. Carbonnel a montré sur 26 patients atteints de mélanome métastatique que le type de microbiote était corrélé à la réponse à l’ipilimumab (anti-CTLA-4) : en effet, ceux avec un microbiote riche en Faecalibacterium et autres Firmicutes avaient un taux de réponse élevé à l’ipilimumab et une survie significativement augmentée. La survenue d’une colite induite par l’ipilimumab était également plus fréquente dans ce groupe [4]. De la même manière, une autre étude récente a montré sur 112 patients atteints de mélanome métastatique que la réponse aux anti-PD-1 variait selon le microbiote avec, comme principaux facteurs prédictifs de réponse, l’alphadiversité et l’abondance relative en Ruminococcaceae (famille dont le genre principal est Faecalibacterium) [5].
La transplantation de microbiote fécal à l’honneur
Comme l’an dernier, la transplantation de microbiote fécal (TMF) a fait l’objet d’un workshop et a été souvent mise en avant dans les différentes présentations. Le Dr. G. Ianiro et le Dr. Z. Kassam sont revenus sur les résultats très prometteurs de la TMF dans la rectocolite hémorragique (2 essais contrôlés randomisés positifs, 1 essai avec tendance en faveur de la TMF sans atteindre la significativité), le syndrome métabolique, l’encéphalopathie hépatique, le syndrome de l’intestin irritable, la GVH (réaction du greffon contre l’hôte) digestive post-allogreffe. En dehors de l’infection récidivante à Clostridium difficile, la répétition de la TMF semble être indispensable dans la « prise de greffe » et l’efficacité du traitement. L’administration par capsules semble être l’avenir de cette technique mais des questions persistent notamment sur la quantité et la fréquence de prise, ces paramètres étant d’ailleurs susceptibles de varier en fonction de l’indication. L’accès à la TMF est de plus en plus facilité par l’émergence de « banques de selles », notamment dans les pays ayant attribué au transplant de microbiote un statut d’organe/tissu et non de médicament. Par exemple, aux États-Unis, 98 % de la population est à moins de 2 heures de voiture d’un centre pratiquant la TMF. Cette pratique s’est donc largement répandue ces dernières années mais il reste à l’harmoniser et probablement à l’adapter au patient en fonction de sa pathologie et de son microbiote.
Akkermansia muciniphila : probiotique de nouvelle génération ?
Découverte en 2004, A. muciniphila est une bactérie dominante dans le mucus intestinal. Elle dégrade la mucine, stimule la production de butyrate et produit une protéine pili-like Amuc1100 qui semble jouer un rôle important dans la réponse immunitaire et la fonction barrière du mucus intestinal. Elle semble avoir des propriétés bénéfiques, sa présence étant inversement corrélée à l’obésité, au syndrome métabolique et à certaines maladies cardiovasculaires [6, 7]. Chez la souris, son administration a des effets bénéfiques sur le syndrome métabolique, et les premières données cliniques chez l’homme ne devraient plus tarder…