Retour sur l’UEG week 2017
Retour de congrès
Par le Dr. Aldo Maruy Saito
Gastro-entérologie pédiatrique, Hôpital Cayetano Heredia, Université péruvienne Cayetano Heredia, Lima, Pérou
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Barcelone a accueilli du 28 octobre au 1er novembre 2017 la 25ème édition de l’UEG week. Le programme scientifique a notamment montré l’intérêt croissant et l’importance du microbiote intestinal (MI) dans les troubles gastro-intestinaux, un thème qui a fait l’objet de nombreuses sessions et de multiples posters. Ce fut un succès compte tenu du grand nombre de participants aux sessions programmées.
Composition et fonctions du microbiote intestinal
Le Dr. Ralijic-Stojanovic a souligné que l’utilisation de l’analyse de la séquence de l’ARNr 16S a permis de déterminer que la position taxonomique de nombreux microorganismes intestinaux mis en culture était incorrecte. À titre d’exemple, on peut citer Clostridium difficile, qui n’appartient pas au genre Clostridium butyricum, et qui est en fait un parent éloigné de Clostridium perfringens, contrairement à ce que l’on a toujours pensé [1]. Elle a rappelé qu’entre l’âge de 7 et 12 ans, le MI est encore différent de celui observé à l’âge adulte et a conclu son intervention en soulignant que la composition du MI est individuelle, spécifique, stable et susceptible de varier en fonction de l’âge, du régime alimentaire et du mode de vie.
De son côté, le Dr. Bäckhed a mentionné que, si le rôle du MI dans le métabolisme est bien connu (optimisation de la disponibilité calorique, apport d’enzymes absentes chez l’homme et rôle dans la synthèse de la vitamine K et la production d’acides gras à chaîne courte), certaines publications plus récentes ont rapporté que les taux de bactéries productrices de butyrate sont réduits chez les patients atteints de diabète de type 2, qu’une augmentation des taux de Prevotella améliore le métabolisme du glucose et que les bactéries Christensenellaceae peuvent constituer un probiotique anti-obésogène [2]. Il a conclu que le MI doit être considéré comme un facteur environnemental qui contribue à la physiologie et au métabolisme de l’hôte.
Le MI est très complexe et, malgré les avancées de ces dernières années, il n’a pas encore révélé tous ses secrets.
Microbiote intestinal et maladies hépatiques
Le rôle du MI dans les maladies hépatiques est de mieux en mieux connu, et certains vont jusqu’à évoquer l’existence d’un « axe intestin-foie ». Le Dr. Gasbarrini a débattu du rôle du MI dans l’inflammation et la fibrose hépatique, en montrant que des altérations sévères du MI ont été observées chez des patients cirrhotiques, notamment une augmentation des taux d’Enterobacteriaceae, de Veillonellaceae et de Streptococcaceae et une diminution des taux de Clostridiaceae, de Lachnospiraceae et d’Eubacteriaceae. Il a émis l’hypothèse qu’une résilience insuffisante, entraînant une adaptation par le biais de l’acquisition d’un microbiote dysbiotique, peut contribuer à l’apparition de maladies chroniques associées au MI. Une rupture de la barrière intestinale constitue la pierre angulaire de la progression de la fibrose et de la sévérité des cirrhoses hépatiques.
Un autre point intéressant a été abordé : selon le mécanisme sous-jacent aux lésions hépatiques, le MI peut induire ou prévenir la fibrose hépatique. Les alternatives pour restaurer un MI sain sont la modulation (régime alimentaire, rifaximine, probiotiques ou prébiotiques) ou une « réinitialisation » grâce à une transplantation de microbiote fécal.
Pour sa part, le Dr. Kobyliak a présenté un poster [3] sur une étude menée chez des patients atteints de stéatose hépatique non alcoolique (NASH) ayant reçu un probiotique combiné à de l’huile de lin et des germes de blé ou un placebo pendant 8 semaines. Les résultats ont montré que l’administration concomitante de probiotiques et d’oméga 3 permet de réduire les graisses hépatiques, les lipides sériques, d’améliorer le profil métabolique et de réduire l’état inflammatoire chronique. Il a conclu que la modulation du MI à l’aide de probiotiques représente une nouvelle option dans la prise en charge de la NASH.
Cela confirme l’influence du MI sur les maladies hépatiques et l’existence de thérapeutiques complémentaires reposant sur l’utilisation de probiotiques.
Microbiote intestinal et MICI
Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) représentent un groupe hétérogène de maladies inflammatoires chroniques affectant le tractus gastrointestinal. Les deux formes principales des MICI sont la rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC). La relation entre le microbiote intestinal (MI) et les MICI fait l’objet d’un nombre croissant de publications.
Le Pr. Sokol a évoqué la pathogenèse des MICI via l’activation du système immunitaire par le biais du MI chez des hôtes sensibles sous l’influence de l’environnement. On sait que les patients atteints de MICI ont un microbiote anormal, avec une perte de diversité, d’autant plus sévère en cas de maladie active. Il a souligné qu’il existe une augmentation des protéobactéries et une diminution des Firmicutes, qui pourraient ou non être corrélées avec l’apparition de la maladie. Ainsi, le taux d’Escherichia coli adhérentes/invasives (protéobactéries) est significativement augmenté chez les patients atteints de MC mais pas de RCH ou chez les sujets sains. Par ailleurs, le taux de Faecalibacterium prausnitzii (Firmicutes), qui a des effets anti-inflammatoires, est diminué chez les patients atteints de MICI.
L’impact environnemental sur le MI est bien connu (type d’accouchement, alimentation, antibiotiques, etc.) et pourrait également avoir une incidence sur les MICI. Ainsi, au Danemark, Hviid et al. [4] ont observé dans une cohorte une corrélation entre le nombre de cycles d’antibiotiques reçus par un enfant et le risque de développer une MICI, celui-ci étant plus important pour la MC que pour la RCH.
Pour en revenir à la pathogenèse, la controverse actuelle porte sur le fait de savoir si les modifications du MI entraînent l’inflammation ou inversement. Le Pr. Sokol considère qu’ils sont tous les deux sur le même plan dans la mesure où les manifestations cliniques des MICI se produisent en raison de l’installation d’un cercle vicieux entre le MI et l’inflammation, l’un comme l’autre pouvant en être à l’origine. Les données apportées confirment donc le rôle important des bactéries du MI dans la pathogenèse des MICI. Cependant, les connaissances sur le rôle du MI fongique dans la pathogenèse de ces maladies sont limitées. Pour y remédier, Qiu et al. ont analysé les 15 principaux genres de champignons présents chez des patients atteints de RCH et des sujets sains (contrôles), résultats présentés sur poster [5]. Pour les genres Wickerhamomyces, Sterigmatomyces et Penicillium, une corrélation positive a été observée avec l’expression de cytokines pro-inflammatoires dans la muqueuse colique, tandis que la corrélation était négative dans le cas de Nigrospora. Ils ont conclu que le microbiote fongique du côlon des patients atteints de RCH est différent de celui des sujets contrôles et que ses altérations peuvent être associées à une inflammation de la muqueuse et à la pathogenèse de la RCH.
Les différences entre la pathogenèse de la MC et celle de la RCH pourraient s’expliquer, dans certains cas, par la présence d’une altération bactérienne ou fongique du MI.
3 Kobyliak T, et al. Co-administration of probiotic with omega-3 fatty acids in nafld management: evidence from animals to randomized clinical studies. OP343 N.