Dépression chez la femme : la faute à une bactérie ?
Et si la dépression chez la femme en âge de procréer et en préménopause ne tenait qu’à une ou quelques bactéries ? Telle est la thèse de chercheurs, qui identifient des microorganismes du microbiote intestinal capables de dégrader l’œstradiol et, avec cette hormone, notre moral et santé.
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A propos de cet article
La nature est ainsi faite que les femmes, sans troubles hormonaux spécifiques, de leur puberté à leur ménopause, sont soumises à un yoyo hormonal mensuel.
Avec, à la clé, un moral en dents de scie. Au rang des hormones incriminées : l’œstradiol, qui augmente durant la première moitié du cycle et diminue ensuite. De quoi expliquer un pic de libido à l’ovulation (quand cette hormone est à son pic), un moral à toute épreuve pendant la grossesse (taux records) mais aussi les coups de mous ressentis en seconde partie de cycle. Mais pas seulement. Chez les femmes en dépression et en pré-ménopause, les taux sanguins d’œstradiols seraient pratiquement deux fois plus faibles que chez des femmes du même âge sans idées noires. Et les minutieux travaux d’une équipe chinoise semblent désigner une responsable de ces troubles : la bactérie intestinale Klebsiella aerogenes.
Quand le microbiote inactive nos hormones
Il faut en effet savoir que, en bonne santé, l’œstradiol est une hormone que nous sécrétons dans notre système digestif via la bile, et que nous réabsorbons ensuite. Sauf que le temps de ce voyage intestinal, l’hormone entre au contact de notre microbiote local. Or, certaines bactéries, et notamment K. aerogenes, seraient capables de produire une molécule appelée 3b-hydroxysteroid dehydrogenase (3b-HSD), une enzyme qui a comme effet de découper chimiquement l’œstradiol et de l’inactiver.
D’ailleurs, les 91 femmes trentenaires dépressives en pré-ménopause qui ont accepté de se prêter à l’expérience possèdent dans leur flore intestinale une quantité plus importante de cette bactérie et de cette enzyme, comparativement aux 98 femmes d’âge identique mais pas en dépression. Et si l’on mélange (sidenote: In vitro Se dit d’une expérience réalisée en éprouvette, en dehors d’un organisme vivant. ) leur microbiote intestinal avec de l’œstradiol, celui-ci en dégrade les ¾ en seulement deux heures… alors qu’un microbiote des femmes non dépressives en détruit quatre fois moins. Enfin, une transplantation du microbiote de femmes dépressives en pré-ménopause, ou simplement de la bactérie K. aerogenes, à des souris suffit à rendre les rongeurs dépressifs.
2 fois plus Les femmes sont environ 2 fois plus susceptibles que les hommes de souffrir de dépression.
plus de 100 ans L'idée d'un lien entre l'œstradiol et la dépression chez les femmes a été proposée il y a plus de 100 ans.
3 à 4 % des femmes connaissent une baisse des taux d'œstradiol qui n'est pas due à la ménopause, à l'allaitement ou à la grossesse.
Traiter le mal à la racine
Ces travaux, qui dévoilent l’implication du microbiote dans la dépression chez la femme en pré-ménopause et les mécanismes mis en jeu, pourraient remettre en question la prise en charge des femmes dépressives et leur santé. A l’heure actuelle, on leur propose un traitement hormonal « substitutif », qui revient à les supplémenter en œstrogènes. Mais la cause de ces troubles de santé, à savoir les bactéries présentes dans le microbiote intestinal et responsables de la dégradation de cette hormone, ne sont pas inquiétées. D’où un risque de rechute lors de l’arrêt du traitement. Pour les auteurs, il faut traiter le mal à la racine : cibler directement les bactéries dégradant l'œstradiol dans l'intestin, voire les enzymes exprimées par ces bactéries.