Ménopause : de nouvelles perspectives en lien avec le microbiote ?
De récentes publications scientifiques apportent de nouvelles informations mettant en lumière le rôle clé du microbiote dans la santé des femmes. Le Biocodex Microbiota Institute lance une série d’interviews d’experts consacrées au microbiote, aux femmes et à la santé. Quel est l’état actuel des connaissances sur la santé des femmes et le microbiote ? Que reste-t-il encore à découvrir ?
Premier acte : la ménopause et le microbiote. Le professeur Ina Schuppe Koistinen, chercheuse spécialisée dans le microbiote, nous dit tout sur cette question !
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Qu’est-ce que la ménopause ? À quel moment se produit-elle ? Quels en sont les principaux symptômes ?
La ménopause est le moment de la vie des femmes qui marque la fin de leur période de fertilité, même si dans la plupart des cas il leur reste de nombreuses années à vivre. La ménopause est définie rétrospectivement : une femme est ménopausée lorsque 12 mois se sont écoulés depuis sa dernière menstruation.
Ménopause : signes et symptômes
Les signes et les symptômes de la transition ménopausique peuvent varier considérablement d’une femme à une autre. De nombreuses femmes connaissent des menstruations irrégulières avant qu’elles ne cessent totalement. Parmi les autres symptômes, citons les bouffées de chaleur, les frissons, les sueurs nocturnes, les troubles du sommeil ou encore les sautes d’humeur. Les faibles taux d’hormones sexuelles augmentent les signes de vieillissement tels que l’amincissement des cheveux, la peau sèche et la flaccidité des seins. Les principaux symptômes génito-urinaires sont l’atrophie et la sécheresse vaginales.
La transition ménopausique se déroule sur une période de plusieurs années et débute à un âge compris entre 40 et 50 ans. Au cours de cette période, encore appelée « périménopause », les ovaires réduisent leur production d’hormones sexuelles féminines, à savoir, l'œstradiol et la progestérone. Après la dernière menstruation, les follicules ovariens sont épuisés et les taux d’hormones sexuelles restent faibles. Il ne faut toutefois pas oublier que, selon leur propre témoignage, de nombreuses femmes considèrent que la meilleure partie de la vie commence après 50 ans car elles peuvent enfin profiter davantage de leur liberté sans avoir à se soucier des règles, des (sidenote: Symptômes prémenstruels Il s’agit des symptômes que les femmes peuvent ressentir au cours des semaines précédant les règles (seins douloureux, sautes d’humeur, irritabilité, dépression, fatigue…) Gudipally PR, Sharma GK. Premenstrual Syndrome. 2022 Jul 18. In: StatPearls [Internet]. Treasure Island (FL): StatPearls Publishing; 2022 Jan ) ou encore des grossesses.
Comment évolue le microbiote vaginal lors de la ménopause ?
I. S.-K. : Tout au long de la période de fertilité, le microbiote vaginal des femmes en bonne santé est dominé par l’espèce (sidenote: Lactobacilles Bactérie en forme de batônnet, dont la caractéristique principale est de produire de l’acide lactique. C’est pour cela que l’on parle de « bactéries lactiques ». Ces bactéries sont présentes chez l’homme au niveau des microbiotes oral, vaginal, intestinal, mais aussi sur les plantes ou chez les animaux. On peut les consommer dans les produits fermentés : produits laitiers comme certains fromages et yaourts, mais aussi des d’autres types d’aliments fermentés : les cornichons, la choucroute etc.. Les lactobacillus sont aussi consommés dans les probiotiques, certaines espèces étant reconnues pour leurs propriétés bénéfiques. W. H. Holzapfel et B. J. Wood, The Genera of Lactic Acid Bacteria, 2, Springer-Verlag, 1st ed. 1995 (2012), 411 p. « The genus Lactobacillus par W. P. Hammes, R. F. Vogel Tannock GW. A special fondness for lactobacilli. Appl Environ Microbiol. 2004 Jun;70(6):3189-94. Smith TJ, Rigassio-Radler D, Denmark R, et al. Effect of Lactobacillus rhamnosus LGG® and Bifidobacterium animalis ssp. lactis BB-12® on health-related quality of life in college students affected by upper respiratory infections. Br J Nutr. 2013 Jun;109(11):1999-2007. ) qui protège le vagin contre la prolifération d’autres organismes.
La composition du microbiote vaginal dépend de l'œstrogène, qui favorise la prolifération des cellules épithéliales vaginales et augmente le stockage de glycogène, le principal nutriment indispensable au développement des lactobacilles. Avec la baisse des taux d'œstrogène au cours de la transition ménopausique, le microbiote se diversifie et les lactobacilles deviennent moins abondants1,2.
Quelles sont les missions des lactobacilles ?
Les lactobacilles maintiennent un pH vaginal faible grâce à la production d’acide lactique et d’antimicrobiens tels que le H2O2 et les bactériocines. Ils participent également à la lutte pour les nutriments, adhèrent fermement à la muqueuse et modulent le (sidenote: Immunité innée et adaptative Le corps humain assure sa protection grâce à 2 types de mécanismes de défense : l’immunité innée et l’immunité adaptative. L’immunité innée est la première ligne de défense contre les agents infectieux, c’est une réaction immédiate. Tandis que l’immunité adaptative intervient plus tardivement, mais procure une protection durable. Janeway CA Jr, Travers P, Walport M, et al. Immunobiology: The Immune System in Health and Disease. 5th edition. New York: Garland Science; 2001. Principles of innate and adaptive immunity. ) local afin de protéger le vagin contre les infections.
Le microbiote vaginal
Les infections urinaires sont fréquentes chez les femmes ménopausées. Quel est le lien avec le microbiote ?
I. S.-K. : Après la ménopause, les femmes contractent fréquemment des infections urinaires. Les données cliniques3 indiquent que l'œstrogène a un impact sur la pathogénèse de ces infections. Les faibles taux d'œstrogène donnent lieu à des modifications structurelles (par ex., augmentation du volume d’urine résiduel), en plus des changements du microbiote vaginal décrits ci-dessus. Ces deux effets constituent des facteurs de risque bien connus d’infections urinaires. L’application locale de suppléments d'œstrogène peut permettre de contrecarrer ces changements, au moins en partie, en restaurant un microbiote vaginal dominé par les lactobacilles et en améliorant la prolifération des cellules épithéliales au sein de l’appareil urinaire4.
La ménopause peut-elle affecter le microbiote intestinal ?
I. S.-K. : Dans les revues scientifiques on trouve très peu d’études décrivant les modifications qui se produisent au sein du microbiote intestinal après la transition ménopausique. Jusqu’à présent, les données5 correspondant aux échantillons de moins de 200 femmes ont été analysées afin d’étudier les effets de la ménopause sur le microbiote intestinal, et très peu de modifications ont été détectées. Des études de meilleure qualité portant sur des échantillons de milliers de femmes sont nécessaires pour décrire ces effets et pour mieux les comprendre.
Le microbiote intestinal
Auriez-vous un conseil à donner pour mieux prendre soin de son microbiote (vaginal, intestinal) au cours de cette période ?
I. S.-K. : Je conseille de prendre soin de sa santé en général et d’adopter un mode de vie favorisant la bonne santé du microbiote. Prendre soin du microbiote intestinal aide à maintenir un vagin en bonne santé. Suivez un régime alimentaire varié, riche en fibre et en aliments fermentés, restez physiquement active et profitez de la nature. Ne fumez pas, limitez votre consommation d’alcool et évitez de prendre des antibiotiques dans la mesure du possible.
L'alimentation
En ce qui concerne le microbiote vaginal, évitez de vous laver la vulve avec du savon et des antiseptiques et ne vous rincez jamais le vagin avec des parfums ou des détergents puisque celui-ci se nettoie lui-même en permanence avec ses propres sécrétions. Faites votre toilette intime à l’eau tiède ou utilisez des produits d’hygiène ne contenant ni parfum ni savon. Utilisez de l’huile minérale neutre pour lubrifier les muqueuses sensibles de votre vulve. Ayez des rapports sexuels protégés et, si vous souffrez de sécheresse vaginale, utilisez des lubrifiants lors des rapports et pensez à appliquer localement une crème à base d'œstrogène.
N’hésitez pas à contacter votre gynécologue si vous ressentez des symptômes aigus de transition ménopausique qui affectent votre qualité de vie.
L’hormonothérapie sert à traiter les affections et les symptômes liés à la ménopause. Les prébiotiques et les probiotiques sont-ils à même de compléter ce traitement ?
I. S.-K.: Il a été prouvé que le microbiote vaginal des femmes suivant un traitement hormonal substitutif après la ménopause est dominé par les lactobacilles et présente une composition similaire à celui des femmes non ménopausées. En d’autres termes, le traitement hormonal substitutif a un effet positif sur le microbiote vaginal proprement dit.
Probiotiques
Les prébiotiques et les probiotiques pourraient aider à restaurer l’état du microbiote vaginal tel qu’il était avant la ménopause. Pour cela, il faudrait utiliser des probiotiques contenant les souches appropriées de Lactobacillus crispatus qui sont associées à une bonne santé vaginale.