Une dysbiose buccale à l’origine du syndrome de Sjögren ?
Une dysbiose du microbiote buccal pourrait être impliquée dans la pathogénèse du syndrome de Sjögren, notamment dans le changement phénotypique des cellules épithéliales des glandes salivaires et leur inflammation.
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A propos de cet article
Le syndrome Sjӧgren (SS) est une épithélite auto-immune caractérisée par une sécheresse de la bouche et des yeux. Les cellules épithéliales des glandes salivaires sont à la fois actrices et cibles : elles se transforment en cellules capables d’activer le système immunitaire (lymphocytes T, cellules dendritiques, puis lymphocytes B) et de synthétiser des chémokines à l’origine de l’infiltration lymphocytaire. L’inflammation des glandes salivaires liée à ces infiltrats représente un des critères de diagnostic. Toutefois, on ignore encore ce qui déclenche le SS. Au rang des suspects : la dysbiose du microbiote buccal, déjà impliquée dans plusieurs maladies auto-immunes (lupus systémique, maladie de Crohn, polyarthrite rhumatoïde). D’où cette étude visant à caractériser le microbiote oral en cas de SS et à étudier son rôle potentiel dans sa pathogénèse.
Une dysbiose du microbiote oral
Des communautés bactériennes orales ont été collectées par lavage buccal complet chez 25 témoins (14 sans sécheresse buccale et 11 avec) et 25 patients atteints d’une forme primaire de SS (8 sans sécheresse buccale et 17 avec). Intérêt de ces sous-groupes : caractériser les changements associés au SS dans le microbiote oral, en excluant l'effet de la sécheresse buccale. Comparativement aux témoins, le microbiote buccal des patients SS présentait une charge bactérienne supérieure et, de manière corrélée, une diversité accrue, encore plus marquée chez ceux sans sécheresse buccale.
Le rôle de Prevotella melaninogenica
Pour évaluer un éventuel rôle pathogène des espèces associées au syndrome, les chercheurs ont testé in vitro 3 des espèces de bactéries buccales signant la dysbiose des patients SS, en choisissant celles exprimant des porines (protéines permettant des échanges membranaires). Parmi elles, P. melaninogenica était capable d’induire des changements fonctionnels (sécrétion d’interféron λ par les cellules tumorales, induisant l’inflammation) et phénotypiques (présentation d’antigènes) dans les cellules épithéliales des glandes salivaires. Restait alors à savoir si cette bactérie pouvait atteindre les glandes salivaires : ce qu’a confirmé une série de biopsies révélant sa présence dans les cellules canalaires et les zones d’infiltration. Elle serait la conséquence d’une rupture de la barrière épithéliale liée à l’inflammation et/ou la fibrose. Selon ce premier scénario, l'infection bactérienne aggraverait l'inflammation et la dérégulation déjà en cours au sein des cellules épithéliales des glandes salivaires. Néanmoins, puisque la bactérie est également présente dans des zones non inflammées, un autre scénario, dans lequel l’infection bactérienne précèderait l’infiltration lymphocytaire, est aussi envisagé. En somme, une dysbiose du microbiote oral pourrait initier la dérégulation des cellules épithéliales des glandes salivaires. S’ensuivrait une invasion bactérienne dans les cellules canalaires qui pourrait elle-même entretenir l’inflammation.