Syndrome de l’intestin irritable (SII) : le rôle des Bifidobactéries
Un régime pauvre en FODMAPs induirait une baisse des bifidobactéries intestinales chez les patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable (SII). L’espèce Bifidobacterium adolescentis pourrait être impliquée dans la perte de l’étanchéité de la paroi digestive.
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A propos de cet article
Appartenant aux « troubles de l’interaction intestin-cerveau », (DGBI pour Disorder of Gut Brain interaction) aussi appelés « troubles fonctionnels intestinaux (TFI) » le syndrome de l’intestin irritable (SII) provoque des douleurs abdominales chroniques et des troubles du transit entraînant une dégradation significative de la qualité de vie. 1 Nombre de patients associent leurs troubles à leur alimentation, justifiant des approches diététiques, parfois empiriques, pour tenter de réduire les symptômes. Une revue systématique 2 s’est attachée à examiner l’effet d’une de ces approches, à savoir un régime pauvre en oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles (FODMAPs).
Un effet limité aux bifidobactéries
Cette métanalyse d’essais contrôlés randomisés a inclus 9 essais impliquant 403 patients. Hormis une nette réduction des bifidobactéries, l'approche diététique a entraîné des effets incohérents ou minimes sur la composition et le métabolisme du microbiote. Ainsi, elle ne montre pas d’impact clair sur la diversité du microbiote, ce que les auteurs jugent rassurant étant donné qu'une diversité plus élevée est considérée comme une marque de la santé gastro-intestinale et une diversité plus faible associée à des états pathologiques.
Ce régime n’a pas non plus exercé d'effets clairs sur la charge bactérienne, alors qu’il repose sur une moindre mise à disposition de glucides fermentescibles dans le côlon, principales sources de substrats des bactéries. Les concentrations fécales en AGCCs ne sont pas non plus affectées ; néanmoins, nombre des AGCCs produits étant absorbés au niveau colique, la concentration fécale pourrait mal refléter la concentration luminale.
Seul véritable effet observé par plusieurs essais
Une baisse de l'abondance des bifidobactéries, suite à la suppression des glucides fermentescibles du régime. Ce résultat suggère que les FODMAPs représenteraient un substrat de choix pour les Bifidobactéries, que l’on sait capables de métaboliser les (sidenote: Fructanes Polymères constitués d'une molécule de glucose liée à plusieurs fructoses. )
Un effet antibifidogène réversible
L’effet antibifidogène du régime FODMAPs pose question. En effet, les bifidobactéries possèdent des propriétés immunomodulatrices et anticancéreuses (études animales) et leur moindre abondance a été associée à une plus grande sévérité des symptômes du SII chez l’homme. Cette inquiétude doit cependant être relativisée, selon les auteurs, a minima lors de régimes de courte durée (3 à 4 semaines) : un récent essai aurait montré une restauration de l'abondance des bifidobactéries à l’issue d’un tel régime et une supplémentation en bifidobactéries suffit à réduire l’effet antibifidogène.
Ainsi, 3 à 4 semaines de régime FODMAPs induit une dysbiose limitée aux seules bifidobactéries, sans implications sur la composition et le fonctionnement du microbiote intestinal. De quoi, selon les auteurs, apaiser les inquiétudes quant à la sécurité d'un régime à court terme pauvre en FODMAPs en ce qui concerne le microbiote colique. Les effets des interventions à long terme restent en revanche à élucider.
Votre aide mémoire pour diagnostiquer le SII
La piste des jonctions étanches
Une seconde publication 3 apporte une autre pierre à ce dossier. Pour nourrir l'établissement de liens de causalité entre des taxons microbiens spécifiques et leur impact fonctionnel sur les tissus de l'hôte, une équipe israélienne a infusé des cultures de tube digestif de souris dans des solutions contenant des échantillons de microbiote recueillis auprès de patients souffrant de SII et soumis avec succès à un régime FODMAPs pendant 6 semaines. Chez les patients qui tirent bénéfice de ce régime (3 sur 10), les bifidobactéries, et plus spécifiquement l’espèce Bifidobacterium adolescentis, se font moins présentes dans le microbiote intestinal au fil du régime (à 3 semaines puis à 6 semaines). Mais surtout, les cultures ex vivo montrent que le microbiote post-régime (plus pauvre en bifidobactéries) module l'expression intestinale de gènes impliqués dans des processus inflammatoires, neuro-musculaires et dans les jonctions étanches entre les cellules de la paroi digestive. De plus, l’équipe identifie B. adolescentis comme un perturbateur puissant de l'intégrité des jonctions étanches de l’épithélium intestinal et de la fonction de la barrière intestinale. Dans le cas des régimes FODMAPs, la moindre présence de B. adolescentis pourrait résulter d'une disponibilité réduite en fructose. Ce résultat soulève la question de la situation inverse, à savoir les régimes occidentaux riches en fructose et associés à une détérioration de la barrière intestinale, une inflammation de bas grade et une endotoxémie : les conséquences pathologiques observées pourraient-elles être médiées, au moins en partie, par une croissance dysbiotique de B. adolescentis ?
Non seulement cette étude représente un premier pas dans l’identification des mécanismes à l’œuvre dans la médiation par le microbiote des effets bénéfiques d'un régime pauvre en FODMAPs, mais elle renforce la faisabilité potentielle de thérapies basées sur le microbiote pour ces patients, qu’il s’agisse de transplantation fécale ou de probiotiques.
2. So D, Loughman A, Staudacher HM. Effects of a low FODMAP diet on the colonic microbiome in irritable bowel syndrome: a systematic review with meta-analysis. Am J Clin Nutr. 2022 Oct 6;116(4):943-952.
3. Bootz-Maoz H, Pearl A, Melzer E et al. Diet-induced modifications to human microbiome reshape colonic homeostasis in irritable bowel syndrome. Cell Rep. 2022 Nov 15;41(7):111657.