Profilage du microbiote fécal et du microbiote muqueux digestif combiné au système immunitaire intestinal chez des nouveau-nés affectés par des atteintes ischémiques intestinales
Article commenté - Rubrique enfant
Par le Pr Emmanuel Mas
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital des Enfants, Toulouse, France
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Chapitres
A propos de cet article
Commentaire de l’article original de Romani et al. (Frontiers in Cellular and Infection Microbiology 2020)
Le microbiote des premières semaines de vie joue un rôle crucial dans la santé en agissant comme une barrière contre l’invasion des pathogènes et en maintenant l’homéostasie immunitaire intestinale. Une altération de l’écologie du microbiote fécal (MF) a été signalée chez des nouveau-nés atteints d’ischémie intestinale. L’objectif de cette étude était de décrire, chez ces patients, le MF, le microbiote des muqueuses (MM) et l’immunité des muqueuses.
Quatorze nouveau-nés ont subi une résection intestinale en raison d’une ischémie intestinale. Sur la base de la gravité des lésions, deux groupes ont été identifiés : ischémie intestinale étendue (IIE) et ischémie intestinale localisée (IIL). Cette étude a montré la variation du MF et du MM dans les groupes IIE et IF. [1]
Que sait-on déjà à ce sujet ?
Le microbiote intestinal des nouveau-nés est caractérisé par une plus faible diversité bactérienne et une proportion plus importante de bactéries pathogènes. En outre, leur système immunitaire intestinal est immature. Ces deux facteurs altèrent la barrière épithéliale intestinale et favorisent la production de médiateurs pro-inflammatoires.
L’entérocolite ulcéro-nécrosante (ECUN) est une atteinte ischémique et inflammatoire digestive qui affecte les nouveau-nés prématurés. La physiopathologie de l’ECUN est encore mal connue mais une dysbiose intestinale est présente, de même qu’un processus inflammatoire. L’utilisation d’antibiotiques et d’anti-acides favorise la dysbiose et augmente aussi le risque de survenue d’ECUN.
D’autres atteintes ischémiques et inflammatoires peuvent aussi affecter les nouveau- nés, comme le volvulus du grêle et les perforations localisées digestives.
Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?
Cette étude pilote monocentrique a caractérisé le MF et le MM ainsi que les cellules mononucléées de la lamina propria et les cytokines pro-inflammatoires de deux groupes de nouveau-nés à terme ou prématurés. Sept enfants avaient une ischémie intestinale étendue (IIE) (5 ECUN, 1 volvulus du grêle et 1 ischémie colique totale) et 7 enfants une ischémie intestinale localisée (IIL) (4 perforations isolées et 3 atrésies intestinales). Le MF de 9 nouveau-nés à terme a été utilisé comme contrôle. Le MM des nouveau-nés ayant une IIE, en comparaison de ceux ayant une IIL, contient : plus de Proteobacteria (p = 0,049) et moins de Bacteroidetes (p = 0,007) et de Verrucomicrobia (p = 0,01) (Figure 1) ; moins de Bacteroides, Lachnospiracee, Ruminococcaceae et Akkermansia muciniphila (p < 0,05).
Le MF a une diversité (index de Shannon) plus faible chez les IIE que chez les IIL (p = 0,01). L’abondance relative est similaire au MM entre IIE et IIL pour les Proteobacteria et Firmicutes (p < 0,05). De même, on retrouve une distribution bactérienne avec plus d’Enterobacteriaceae chez les IIE et plus de Ruminococcaceae, Bacteroides, Lachnospiracee et Staphylococcaceae chez les IIL.
Le groupe IIE a une augmentation des lymphocytes B, T et NK (Natural Killer), notamment des lymphocytes T CD3+, TH17 (Figure 2A) et une diminution des lymphocytes T régulateurs (Tregs), avec une augmentation des cellules exprimant le TNFa (Figure 2B) et l’INFg (Figure 2C).
Points clés
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L’entérocolite ulcéro-nécrosante est une pathologie digestive sévère qui affecte les nouveau-nés prématurés.
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Les anomalies du microbiote fécal et du microbiote associé à la muqueuse digestive pourraient intervenir dans le processus inflammatoire et ischémique de l’ECUN.
Quelles conséquences en pratique ?
Cette étude pilote confirme que la faible diversité bactérienne et la prédominance d’Enterobacteriaceae sont des facteurs de risque d’ECUN, de même que la réduction des taux d’A. muciniphila. Une correction de cette dysbiose pourrait permettre de modifier le déséquilibre TH17/Tregs et de réduire la production de médiateurs de l’inflammation (TNFa et INFg).
Conclusion
Le microbiote fécal et le microbiote associé à la muqueuse digestive ont des caractéristiques spécifiques chez les prématurés ayant des lésions ischémiques. Des études complémentaires sont nécessaires pour déterminer le rôle de ces bactéries dans le processus inflammatoire et ischémique de l’ECUN.