EJFHOD 2020
Retour de congrès
Par le Dr Dragos Ciocan
CCA Service Hépato-gastroentérologie et nutrition, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France
en_sources_title
en_sources_text_start en_sources_text_end
Chapitres
A propos de cet article
Malgré la pandémie de Covid-19, nous avons pu profiter cette année d’une version en ligne des Journées francophones d’hépato-gastroentérologie avec l’avantage de pouvoir bénéficier des présentations enregistrées du 3 au 20 juillet 2020. Ces eJFHOD ont réuni 7 924 utilisateurs, et 172 937 pages ont été vues. Comme chaque année, des études originales sur le microbiote intestinal (MI) ont été présentées lors de ce congrès.
Microbiote et cancer colorectal
Troisième cancer le plus fréquent chez l’homme, le cancer colorectal sporadique (CCR) se développe suite à des interactions entre l’hôte et l’environnement, et le MI pourrait être impliqué [1]. Le Pr Sobhani a présenté les résultats d’une étude qui s’est intéressée aux liens entre les mécanismes épigénétiques favorisés par des bactéries du MI dans la survenue des CCR [2]. Des souris transplantées avec des selles de patients atteints de CCR ont développé des lésions coliques précancéreuses, associées à une augmentation des gènes hyperméthylés. Les donneurs avec un CCR présentaient des anomalies de méthylation de certains gènes promoteurs associées à une dysbiose intestinale. En utilisant les signatures microbiennes et épigénétiques identifiées, une étude pilote (n = 266) a été menée chez l’homme afin de mettre au point un test sanguin pour le diagnostic de CCR. Un index cumulé de méthylation (CMI, mesurant le niveau d’hyperméthylation de 3 gènes) a été identifié comme facteur prédictif de la survenue de CCR. Ces résultats ont été validés dans une cohorte prospective de 1 000 patients. La dysbiose intestinale des patients avec un CMI positif était caractérisée par une augmentation d’espèces bactériennes prométhylatrices. Ces travaux indiquent que la dysbiose intestinale associée au CRC pourrait favoriser la carcinogenèse du côlon via une dérégulation de la méthylation de certains gènes. Le taux cumulé d’hyperméthylation (CMI) et/ou les bactéries pro-méthylatrices pourraient ainsi devenir des marqueurs diagnostiques ou être utilisés dans l’évaluation des effets des traitements modulateurs du MI dans le CCR.
Un nouveau marqueur de dysbiose dans la maladie de Crohn
Dans une étude coordonnée par le Pr Seksik, les auteurs ont étudié le rôle de la MAM (molécule anti-inflammatoire du microbiote, produite par Faecalibacterium prausnitzii et diminuée chez les patients atteints de la maladie de Crohn, MC [3]) comme biomarqueur de dysbiose intestinale et aide au diagnostic de MC. Les auteurs montrent que la perte de MAM est associée au diagnostic de la MC. Cette étude préliminaire réalisée sur un petit nombre des patients (24 patients en poussée, 24 en rémission et 12 témoins sains) ouvre la voie du diagnostic de la MC basé sur le MI, mais ces résultats préliminaires devront être validés dans des cohortes indépendantes.
Thérapeutique dans les MICI
On sait que les bactéries détectent et répondent à des signaux environnementaux (aptitude appelée « Quorum Sensing »). Parmi les molécules de ce système, la 3-oxo-C12:2 est diminuée chez les patients atteints de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), et cette diminution semble corrélée à la dysbiose intestinale observée [4]. Dans une étude présentée par D. Aguanno, les auteurs ont étudié l’impact de cette molécule sur les cellules épithéliales de l’intestin et ont montré que celle-ci ne modifie pas la perméabilité paracellulaire mais atténue les altérations des jonctions serrées induites par les cytokines pro-inflammatoires. Dans une deuxième étude, Coquant et al. montrent que la 3-oxo-C12:2 exerce un effet anti-inflammatoire sur les cellules immunitaires, en partie médié par le récepteur T2R138. Ainsi, cette molécule pourrait avoir des effets protecteurs sur la barrière intestinale, moduler la réponse inflammatoire et donc représenter une nouvelle piste thérapeutique dans les MICI.