Crohn : le microbiote ileal, facteur prédictif de récidive ?
Prédire la récidive post-opératoire en cas de maladie de Crohn grâce au microbiote intestinal : telle est la perspective ouverte par une étude réalisée par une équipe française chez des patients ayant subi une résection intestinale.
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A propos de cet article
Alors que 50 à 75 % des patients atteints de la maladie de Crohn nécessiteront au moins une résection intestinale au cours de leur vie, une récidive est constatée chez environ 50 % d’entre eux 5 ans après l’intervention. L’endoscopie constitue la méthode Gold Standard pour diagnostiquer la récidive. Toutefois, celle-ci ne peut avoir lieu que plusieurs mois après l’opération, retardant une intervention thérapeutique précoce potentiellement nécessaire. L’identification de facteurs prédictifs précoces de la récidive présente donc un intérêt majeur.
Une dysbiose persistante
Selon une étude multicentrique publiée dans Gut et pilotée par l’équipe du Pr Harry Sokol, le microbiote présent au niveau de la muqueuse iléale pourrait bien être l’un de ces facteurs. Pour parvenir à cette conclusion, les chercheurs ont analysé la composition du microbiote prélevé au moment de la chirurgie de résection intestinale (Tr), puis au moment de l’endoscopie de suivi (Ts), chez 201 patients. Résultat ? La résection intestinale provoquait une modification conséquente du microbiote chez tous les patients et améliorait la dysbiose initiale, mais de façon moins marquée chez ceux développant une récidive. En effet, chez ces derniers, on observait entre Tr et Ts une réduction de la diversité alpha, une augmentation plus marquée de plusieurs espèces appartenant à la classe des Alphaprotéobactéries et une moindre augmentation de certaines espèces de l’embranchement des Firmicutes et appartenant aux familles Lachnospiraceae et Ruminococcaceae, considérées comme des marqueurs de la santé intestinale.
Prédire la récidive grâce au microbiote
Dans des travaux de modélisation (prenant en compte ou non, selon les modèles, l’ensemble des facteurs modulant le risque de récidive : résection antérieure, tabagisme et sexe masculin pour les facteurs aggravants, prise d’anti-TNF* comme facteur protecteur), les chercheurs sont allés plus loin en identifiant plusieurs taxons présents en abondance au moment de la résection et pouvant constituer des marqueurs significatifs de récidive : la surabondance de bactéries appartenant à la classe des Gammaproteobacteria, Ruminococcus gnavus group et le genre Corynebacterium. Malgré certaines limites, cette étude suggère donc que la composition du microbiote au moment de la résection intestinale pourrait prédire la survenue d’une récidive et orienter la démarche thérapeutique post-opératoire. Des freins au déploiement d’une telle approche devront toutefois être levés, en particulier la prise pré-opératoire fréquente d’antibiotiques, qui altère le microbiote et compromet son utilisation en tant qu’outil prédictif.
*les anti-TNF (Tumor Necrosis Factor) sont des médicaments permettant de contrôler l'inflammation.