Microorganismes : de précieux microbes pour la santé humaine
Petite créatures, invisibles mais bien vivantes et ultrasophistiqués, les microorganismes sont indispensables à la vie sur Terre et à notre bonne santé. Quels services nous rendent-ils ? Comment les protéger ? Pourquoi certains d’entre eux provoquent des maladies ? On vous dit tout !
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A propos de cet article
Microorganismes : des créatures microscopiques aux maxi pouvoirs
Les microorganismes sont des êtres vivants invisibles à l’œil nu, parfois appelés « microbes » ou « germes ». Ils sont généralement composés d’une seule cellule et sont présents partout : des abysses jusqu’au fond de nos intestins, en passant par l’air, les sols, les plantes et les cours d’eau.
Microorganismes : d’infatigables travailleurs de l’ombre
Les microorganismes sont essentiels à la vie sur Terre grâce à leurs superpouvoirs. Citons ainsi leur rôle-clé joué dans la décomposition des déchets végétaux et animaux ou leur fonction essentielle dans la fixation du carbone et de l’azote. Ils sont ainsi les maillons clés du fonctionnement des écosystèmes terrestres, les alliés incontournables de la santé des êtres vivants.
Notre corps constitue lui aussi un véritable écosystème au sein duquel des populations composées de milliards de microorganismes « amis » vivent en harmonie en nous rendant de multiples services ; on parle de flore ou de (sidenote: Microbiote Le microbiote est la communauté de microorganismes – bactéries en majorité, mais également virus, champignons et archées – colonisant l’organisme humain. Les types, le nombre et la distribution de ces microorganismes sont très différents selon les zones du corps. Le microbiote de l’intestin – également appelé « microbiote intestinal » ou « flore intestinale » - est celui qui contient le plus grand nombre de microorganismes. C’est aussi le plus étudié. Chez l’Homme, on trouve des microbiotes dans le vagin (microbiote vaginal), à la surface de la peau (microbiote cutané), dans les voies urinaires (microbiote urinaire), dans les voies respiratoires (microbiote pulmonaire) et au niveau la zone bouche-gorge-nez (microbiote ORL). Ces nombreux microbiotes interagissent entre eux et jouent un rôle dans les fonctions digestives, métaboliques, immunitaires et neurologiques. ) . On retrouve ce type de communautés microbiennes chez les animaux et les plantes, mais aussi dans les sols, ou encore dans les océans. 1
500 millions C’est le nombre de rhinovirus, le virus responsable du rhume, que pourrait contenir une sphère de la taille d’une tête d’épingle.
1 milliard C’est le nombre de bactéries et le nombre de virus que contient 1 g de selle.
1 milliard C’est aussi le nombre de bactéries et le nombre de champignons que contient 1 g de sol.
Le microbiote est la communauté de microorganismes – bactéries en majorité, mais également virus, champignons et archées – colonisant l’organisme humain. Les types, le nombre et la distribution de ces microorganismes sont très différents selon les zones du corps.
Le microbiote de l’intestin – également appelé « microbiote intestinal » ou « flore intestinale » - est celui qui contient le plus grand nombre de microorganismes. C’est aussi le plus étudié.
Chez l’Homme, on trouve des microbiotes :
Autant de bactérie que de services rendus à l’Homme
- Les bactéries Rhizobium, en fixant l’azote de l’atmosphère dans le sol aux niveaux des racines des légumineuses, favorise leur croissance tout en limitant l’usage d’engrais chimiques ;
- Les bactéries Lactobacillus acidophilus et Streptococcus thermophilus transforment le lait en yaourt ;
- Le champignon Penicillium roqueforti transforme le lait caillé et fermenté en fromage bleu ou en Roquefort ;
- Des virus appelés « phages » nous permettent de guérir certaines infections causées par des bactéries résistantes aux antibiotiques ;
- La levure Saccharomyces cerevisiae transforme les sucres du blé ou de l’orge en alcool pour la fabrication de la bière ;
- Enfin, c’est un ensemble de bactéries, de champignons et d’archées qui assurent la purification de l’eau dans les stations d’épuration.
100 milliards C’est le nombre de bactéries qu’il y a dans 1 g de plaque dentaire.
L’épopée des microorganismes
- - 3,4 à 3,7 mds d’années : apparition des premières bactéries et archées (première forme de vie sur Terre).
- 1665 : le scientifique anglais Robert Hook observe pour la première fois des microorganismes au microscope (moisissures).
- 1674 : le drapier hollandais Antoni van Leeuwenhoek observe pour la première fois des bactéries au microscope ; il les nomme « animalcules ».
- 1838 : le naturaliste et zoologiste allemand Christian Gottfried Ehrenberg crée le mot « bactérie ».
- 1857 : Louis Pasteur met en évidence le rôle des bactéries dans la fermentation.
- 1882 : Robert Koch découvre le bacille responsable de la tuberculose.
- 1918 : épidémie de grippe espagnole causée par le virus H1N1 (25 millions de morts).
- 1930 : première observation de virus au microscope électronique.
- 1917 : Félix d’Hérelle et Frédérick Tword découvrent les bactériophages.
- 1929 : Alexander Fleming découvre la pénicilline (antibiotique).
- 1977 : Carl Woes découvre les archées bactéries.
- 1995 : l’équipe de Craig Venter séquence le premier génome bactérien dans son intégralité.
- 2019 : pandémie de COVID-19 (virus SARS-CoV-2).
Des définitions des microorganismes
Bactéries
Virus (dont phages)
Protozoaires
Microalgues
Champignons
Archées bactéries
Ces microorganismes sont, certainement avec les virus, les plus connus du grand public. Sur le plan microscopique, elles révèlent des formes très variées (bâtonnets, sphères, tire-bouchon…) et sont retrouvées partout : plantes, animaux, humains, sol, océans… Les bactéries jouent un rôle essentiel dans la décomposition de la matière organique animale et végétale. Heureusement pour nous, seul un petit nombre d’entre elles sont des parasites ou des pathogènes. Certaines détériorent les aliments tandis que d’autres améliorent leur goût et leur conservation (fermentation). La majorité des bactéries vivant en symbiose avec l’Homme se trouvent dans son système digestif (microbiote). Dans les sols, les Nitrobacter des sols transforment les nitrites en nitrates et les Methanobacterium, les carbonates en méthane. Les bactéries propioniques, quant à elles, transforment le lactose du lait et donne un arôme noisette à l’emmental et au gruyère, alors que certains staphylocoques non pathogènes contribuent à l’affinage des fromages et à la formation de la croûte. 4
Malheureusement certaines bactéries sont davantage connues pour leurs effets néfastes sur la santé. Dans notre microbiote intestinal, la plupart des Escherichia coli sont inoffensives mais certaines souches peuvent provoquer une intoxication alimentaire. La bactérie Shigella est par exemple responsable d’une maladie appelée shigellose et de 212 438 décès dans le monde en 2016. Le Vibrio cholerae est quant à lui responsable des redoutées épidémies de choléra et de 107 290 décès enregistrés en 2016, généralement dans des populations pauvres n’ayant pas d’accès à l’eau potable. 5 Autre exemple tristement célèbre avec Clostridium tetani qui synthétise une toxine responsable du tétanos, ou encore Clostridioides difficile, une bactérie résistante aux antibiotiques, principale responsable des diarrhées infectieuses nosocomiales pouvant être mortelle chez l’adulte. 5
Dans la grande famille des microorganismes, les virus sont identifiés comme les plus petits. Leur structure est ultrasimple : une molécule d’ADN ou d’ARN entourée de protéines formant une « capside ». L’une des particularités des virus est qu’ils sont complètement dépendants d’une cellule hôte. En d’autres termes, ils doivent pénétrer la cellule pour en détourner la machinerie afin de se répliquer, avant d’aller infecter de nouvelles cellules voisines. C’est le cas des virus infectant l’Homme (virus du Sida, du rhume, de la grippe…). Une fois libérés, cette cellule hôte meurt et les nouveaux virus peuvent attaquer d’autres cellules.
Avec leur étiquette souvent très négative, les virus ne sont pourtant pas tous pathogènes pour l’Homme, certains s’avèrent même être nos alliés. C’est le cas des virus appelés bactériophages ou phages (littéralement « mangeurs de bactéries ») qui n’infectent que les bactéries. Très utile pour réguler certaines populations bactériennes, les bactériophages offrent ainsi de nouvelles perspectives thérapeutiques et une alternative aux antibiotiques. 4 Parmi eux, on retrouve les Siphoviridae, les Myoviridae et les Podoviridae qui diffèrent des virus « classiques » par la présence d’une queue qui leur permet de se fixer sur les bactéries. Les bactériophages représentent la moitié des espèces de virus connues à ce jour. 4
Dans le microbiote, l’ensemble des communautés virales forment ce qu’on appelle le « virome ».
Moins connus du grand public, les protozoaires sont des microorganismes unicellulaires ayant des formes très variées, changeante, comme l’amibe, ou fixe et complexe, comme la paramécie. On les retrouve principalement dans des environnements variés et humides, notamment l’eau douce, les milieux marins ou le sol. Ils peuvent se déplacer en mouvements « amiboïdes » grâce à des cils, ou se propulser grâce à des flagelles. Certains protozoaires peuvent infecter les plantes et les animaux, notamment l’Homme. C’est le cas du Plasmodium falciparum tristement célèbre dans le monde pour causer des formes graves de paludisme (ou malaria) et redouté lors de voyage dans certains pays. 4
On les trouve dans l’eau douce ou l’eau de mer, notamment au fond des océans, des lacs ou des rivières. Elles peuvent se développent parfois dans les sols et sur les roches humides, et dans le pelage de certains animaux. Elles contiennent de la chlorophylle qui leur permet de synthétiser leur propre nourriture à partir du rayonnement solaire. Les diatomées sont des microalgues qui, en fin de vie, se déposent sur le fond marin. La partie molle se décompose et la paroi minérale en silice sédimente sous l’effet de la pression de l’eau. 4
Le phytoplancton regroupe l’ensemble des microalgues présentes dans l’eau de mer. Il fait partie, avec les bactéries et les virus qui y vivent aussi, du « microbiote marin ». Cette population diversifiée de microorganismes représente plus des deux tiers de la biomasse marine. Elle influence positivement l’écosystème océanique et contribue à la santé de la planète. 1
Les champignons vivent pour la plupart dans les sols et sur les végétaux. On distingue 3 grands groupes de champignons : les moisissures filamenteuses pluricellulaires, les champignons filamenteux macroscopiques et les levures microscopiques unicellulaires. 4 Dans la nature, les moisissures et les champignons filamenteux participent au cycle du carbone en développant de longs filaments ramifiés (mycélium) capables de décomposer la matière végétale. Le plus grand mycélium connu, situé dans l’Oregon (États-Unis), s’étale sur 9,7 km2. En santé, le Penicillium notatum est à l’origine de la découverte accidentelle de la pénicilline par Alexander Fleming en 1928, l’une des découvertes scientifiques majeures encore à ce jour. 6 En agroalimentaire, la domestication de certains champignons filamenteux est à l’origine de la fabrication de fromages. Le Penicillium roqueforti est utilisé pour l’affinage des fromages bleus, et le complexe d’espèces Penicillium camemberti est utilisé pour la fabrication de fromages à pâte molle comme le camembert et le brie. 6 Les levures, comme Saccharomyces, sont des cellules qui bourgeonnent à partir d’une cellule mère. L’espèce Saccharomyces cerevisiae est utilisée pour la production de vin et de bière. 6
Certains champignons sont des parasites de plantes à l’origine de maladies, comme le mildiou ou la gale. Seul un petit nombre de champignons affectent la santé humaine (teigne, muguet…) ou encore la levure Candida albicans dans le cas de candidose. 4
Très similaires aux bactéries avec lesquelles elles ont été longtemps confondues, les archées sont des microorganismes unicellulaires qui forment parfois des filaments ou des amas. Dans les années 1970, les recherches ont montré qu’elles étaient distinctes, sur le plan évolutif, des bactéries. Ainsi, elles partagent des points communs avec les cellules eucaryotes (dont les nôtres font partie) qui ont une structure plus complexe que les bactéries procaryotes. Les archées bactéries sont capables de vivre dans des environnements extrêmes (sources d’eau chaude, geysers, glaces de l’Antarctique, etc.), à des pressions et des taux de salinité élevés et à très basse ou au contraire très haute température. 4 Les Halobacterium ou les Halococcus vivent dans les lacs salés et, grâce à leurs pigments, leur donne une couleur rouge ou jaune, alors que les Pyrobaculum se reproduisent sous terre, dans les réservoirs de pétrole, à plus de 100 °C.
Aimez vos microbes, ils vous le rendront bien
Si vous pensiez que les microbes n’étaient bons qu’à être éliminés, vous avez compris que vous faisiez fausse route ! La grande majorité d’entre eux sont indispensables à la vie et aux activités humaines. Sachez qu’ils sont également essentiels au fonctionnement de notre organisme et à notre maintien en bonne santé.
Échanges de bons procédés 3, 7, 8
Nous sommes en effet l’hôte d’une multitude de microorganismes variés que l’on qualifie de « commensaux » - pour les différencier des microorganismes pathogènes – et avec lesquels nous formons une véritable symbiose. Car, en échange du gîte et du couvert, les microbes nous rendent d’inestimables services.
Quelques chiffres étonnants
5000 milliards de milliards de milliards (soit 5 x 1030)
C’est le nombre de bactéries et d’archées vivant sur la planète.
C’est, de loin, la forme de vie la plus répandue sur Terre.
100 millions d’années-lumière
C’est la distance que couvrirait l’alignement des 1031 virus vivant sur Terre.
Il y a 10 fois plus de bactéries que de cellules chez l’Homme. 2
Il y a 50 à 150 fois plus de gènes différents dans le microbiote que dans les cellules de l’organisme humain. Le microbiote représente donc un véritable « second génome ». 3
Dans l’intestin, les bactéries du microbiote se nourrissent des fibres alimentaires – que nous sommes incapables de dégrader – et libèrent en échange de précieux composés appelés (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) . Ces molécules vont nourrir les cellules intestinales, participer à leur croissance et leur différenciation et renforcer leur fonction de barrière. Les microbes vont également synthétiser des substances bioactives utiles, comme des acides aminés ou des vitamines (K2, B5, B6…).
Ils vont aussi participer à la maturation des cellules immunitaires, particulièrement nombreuses dans la paroi de l’intestin, et, en occupant le terrain et en synthétisant certaines protéines antibactériennes appelées bactériocines, nous protéger contre la prolifération de microorganismes pathogènes. Enfin, ils synthétisent des (sidenote: Métabolites Petites molécules produites au cours du métabolisme cellulaire ou bactérien. Les acides gras à chaine courte sont par exemple des métabolites produits par le microbiote intestinal lors de la fermentation de sucres complexes non digestibles (fibres…). Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. Lamichhane S, Sen P, Dickens AM, et al An overview of metabolomics data analysis: current tools and future perspectives. Comprehensive analytical chemistry. 2018 ; 82: 387-413 ) capables de réguler certaines de nos fonctions physiologiques, notamment immunitaire et neuronale. Il existe par exemple une communication permanente entre le microbiote et le cerveau que l’on appelle axe microbiote-intestin-cerveau.
L'axe intestin-cerveau: quel est le rôle du microbiote?
Comment chouchouter ses microbes 3, 7, 8
La bonne santé du microbiote dépend de multiples facteurs : génétique, âge, lieu de vie, mode d’accouchement… Mais le modulateur le plus puissant du microbiote intestinal reste l’alimentation. Pour que celle-ci soit favorable à un microbiote « sain », c’est-à-dire riche et diversifié, elle doit apporter suffisamment de végétaux variés (fruits, légumes, oléagineux, céréales complètes, légumineuses…), qui vont fournir les bons « substrats » aux microorganismes – la nourriture dont ils raffolent –, mais également des bactéries vivantes (aliments fermentés tels que choucroute, kombucha, kéfir…).
L’alimentation ne doit pas non plus contenir trop d’aliments néfastes, tels que ceux contenant des émulsifiants et des édulcorants.
La modération de certains médicaments (antibiotiques, antiacides, laxatifs, anxiolytiques…), la suppression l’alcool et de la cigarette et la pratique d’une activité physique régulière sont aussi des moyens puissants de favoriser le bon équilibre du microbiote.
Quand les microbes vont mal, c’est notre corps qui trinque
Vous le savez, les microbes sont responsables d’une multitude de maladies infectieuses : le rhinovirus engendre le rhume, le virus SARS-CoV-2 la COVID-19, la bactérie Salmonella la gastro-entérite, le champignon Candida la candidose… Fort heureusement, les antimicrobiens (antibiotiques, antiviraux, antifongiques…) permettent aujourd’hui de soigner la majorité des infections causées par les microorganismes.
Résistance des microorganismes aux antimicrobiens : attention danger !
Problème : en raison d’une utilisation excessive de ces traitements, on assiste depuis quelques années à la prolifération de bactéries, de virus et de champignons qui y sont devenus résistants. Par exemple, certaines bactéries pathogènes ne répondent plus à aucun antibiotique ; on parle de bactéries « multirésistantes » ou « superbactéries ». Ainsi, certaines maladies qu’il était possible de soigner (infections urinaires, infections sexuellement transmissibles ou nosocomiales, diarrhées, tuberculose…) peuvent aujourd’hui être difficiles, voire impossibles à prendre en charge.9
Reconnue par l’OMS comme une cause de santé publique, la résistance aux antimicrobiens pourrait tuer jusqu’à 10 millions de personnes par an d’ici 2050 (autant que le cancer). 10 L’OMS recommande de limiter le recours aux antimicrobiens, notamment aux antibiotiques, dans l’élevage, la santé humaine ou l’agriculture, mais surtout appelle à trouver de nouveaux traitements plus efficaces pour lutter contre les infections.
La Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (en anglais : WAAW pour World AMR Awareness Week) est célébrée chaque année du 18 au 24 novembre. En 2023, le thème retenu est « Prévenir la résistance aux antimicrobiens ensemble », comme en 2022. En effet, cette résistance représente une menace pour les êtres humains, mais aussi les animaux, les plantes et l'environnement.
L’objectif de cette campagne est donc à la fois de sensibiliser à la résistance aux antimicrobiens et de promouvoir les meilleures pratiques, selon le concept « Une seule santé », ou « One health », auprès de toutes les parties prenantes (grand public, médecins, vétérinaires, éleveurs et agriculteurs, décideurs…) afin de réduire l'apparition et la propagation d'infections résistantes.
Des déséquilibres qui font le lit des maladies de civilisation 3, 5, 8
Mais les microorganismes ne sont pas seulement responsables de maladies infectieuses. Saviez-vous qu’ils étaient aussi impliqués dans l’obésité, le diabète, l’ostéoporose, le cancer ou encore les maladies vasculaires et neurodégénératives (Parkinson, Alzheimer…) ?
Les études montrent en effet que les personnes qui souffrent de ces maladies présentent un déséquilibre de leur microbiote appelé (sidenote: Dysbiose La « dysbiose » n’est pas un phénomène homogène : elle varie en fonction de l’état de santé de chaque individu. Elle est généralement définie comme une altération de la composition et du fonctionnement du microbiote, provoquée par un ensemble de facteurs environnementaux et liés à l’individu, qui perturbent l’écosystème microbien. Levy M, Kolodziejczyk AA, Thaiss CA, et al. Dysbiosis and the immune system. Nat Rev Immunol. 2017;17(4):219-232. ) . La dysbiose est caractérisée par une perte de richesse et de diversité des populations microbiennes, notamment intestinales. De nombreuses études montrent que ce déséquilibre peut impacter négativement le fonctionnement de notre organisme et favoriser la survenue ou l’aggravation des maladies.
Les données actuelles ne permettent pas de savoir précisément si la dysbiose est une cause de maladie, ou si la maladie une cause de dysbiose. Cependant, les études suggèrent qu’en favorisant un microbiote « sain » riche et diversifié, ou en le rééquilibrant, il serait possible de préserver sa santé.
Have you heard of dysbiosis
Moduler son microbiote pour prévenir et même… guérir !
Plusieurs moyens existent pour moduler positivement le microbiote intestinal en cas de dysbiose ou de maladie 3, 7 :
- L’alimentation et le mode de vie (voir ci-dessus) ;
- Les prébiotiques (inuline, galacto-oligosaccharides ou GOS, fructo-oligosaccharides ou FOS et lactulose) : ces composés sont capables de nourrir spécifiquement des groupes de bactéries bénéfiques, comme Bifidobacterium et Lactobacillus, et ainsi de favoriser leur prolifération. 11
- Les probiotiques (souches spécifiques de bactéries ou de levures vivantes ayant prouvé un effet sur la santé) : les preuves scientifiques de leur efficacité ne concernent à ce jour que la diarrhée de l’enfant ou celle associée à la prise d’antibiotiques, certaines maladies inflammatoires de l’intestin ou encore l’entérocolite nécrosante, mais leur potentiel thérapeutique fait l’objet de nombreuses recherches. 11
- Les (sidenote: Métabolites Petites molécules produites au cours du métabolisme cellulaire ou bactérien. Les acides gras à chaine courte sont par exemple des métabolites produits par le microbiote intestinal lors de la fermentation de sucres complexes non digestibles (fibres…). Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. Lamichhane S, Sen P, Dickens AM, et al An overview of metabolomics data analysis: current tools and future perspectives. Comprehensive analytical chemistry. 2018 ; 82: 387-413 ) bioactifs : ceux-ci sont sélectionnés pour leur capacité à moduler la physiologie de microorganismes cibles ;
- Le transfert de microbiote fécal (TMF) : il consiste à transférer le microbiote intestinal d’une personne en bonne santé dans l’intestin d’une personne malade. Par exemple, cette technique a montré des résultats particulièrement concluants (90 % de guérison) pour les infections à Clostridium difficile 12 mais pourrait être également utile pour soulager les symptômes de l’autisme. 13
Le monde microbien, un réservoir infini de pistes thérapeutiques
Les microorganismes constituent un champ d’exploration précieux pour les chercheurs. Par exemple, pour mieux lutter contre la résistance bactérienne aux antibiotiques et pouvoir disposer d’outils de surveillance, les scientifiques ont besoin de mieux comprendre comment les bactéries échangent leurs gènes, comme elles acquièrent des résistances aux antimicrobiens et par quelles voies ces dernières circulent entre l’environnement, l’homme et l’animal. 10
Les techniques de génomique à haute résolution et de métagénomique, largement utilisées dans les études sur le microbiote humain, constituent à ce titre de puissants outils d’exploration des dynamiques microbiennes.
Le microbiote à la croisée des recherches
Des études toujours plus nombreuses sont également mises en place pour mieux comprendre comment les microorganismes du microbiote interagissent avec l’Homme, comment ils contribuent au bon fonctionnement de ses cellules, quels profils microbiens sont les plus favorables à la santé et quelles modifications contribuent aux maladies. 3
Objectif : trouver de nouvelles pistes thérapeutiques et de nouvelles bactéries probiotiques permettant de moduler le microbiote et de prendre en charge plus efficacement certaines pathologies aiguës et chroniques.
Quelques pistes prometteuses
• Certaines substances produites naturellement par les bactéries, comme les bactériocines, pourraient être utilisées pour mettre au point au point de nouveaux traitements destinés à éliminer les microorganismes pathogènes ou à freiner leur développement. D’autres molécules issues du métabolisme des bactéries, comme les (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) , pourraient également être utilisée pour leurs multiples bienfaits sur la santé, notamment leurs effets anti-inflammatoires ou anticancer.
• La modulation génétique de bactéries comme Escherichia coli pourrait les rendre capables de produire différents types de molécules intéressante en médecine : certaines destinées à moduler positivement le microbiote en cas de dysbiose induite par des antibiotiques, d’autres agissant comme un vaccin pour lutter contre Vibrio cholera (la bactérie responsable du choléra), et d’autres encore capables de tuer spécifiquement certains pathogènes comme Pseudomonas aeruginosa, une bactérie qui fait des ravages chez les personnes immunodéprimées.
• Les bactériophages pourraient enfin être utilisés pour cibler très spécifiquement les bactéries résistantes aux antibiotiques en cas d’infection, constituant une alternative potentiellement puissante aux antibiotiques.
Vous l’aurez compris, les microorganismes ont beau être invisibles et avoir mauvaise réputation, ils méritent toute notre estime et notre attention. Car nous avons clairement besoin d’eux pour vivre !
Si les communautés qu’ils forment, les interactions qu’ils ont avec l’environnement et le rôle qu’ils jouent dans notre organisme sont encore remplis de mystères, il n’y a pas un jour sans qu’une nouvelle étude prouve l’importance de leur présence à nos côtés, et donc celle de renforcer notre symbiose avec eux !