Microbiote intestinal #20
Par le Pr. Satu Pekkala
Chercheur à l’Académie de Finlande, Faculté des sciences du sport et de la santé, Université de Jyväskylä, Finlande
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Chapitres
A propos de cet article
Un régime personnalisé basé sur le microbiote pour améliorer le prédiabète
Les chercheurs de l’Institut Weizmann ont été les premiers à développer des approches alimentaires personnalisées basées sur le microbiote intestinal (MI). Dans cet article, Ben-Yacov et al. ont étudié les effets du régime personnalisé ciblant la réponse glycémique postprandiale (PPT, personalized postprandial-targeting) comparativement au régime méditerranéen (MED) sur les facteurs de risque cardiométabolique. D’une manière générale, on sait que le régime alimentaire a une incidence sur la santé cardiométabolique, mais la modulation éventuelle de ces effets par le MI a été très peu étudiée dans un contexte longitudinal.
Dans cet essai de 6 mois, 225 adultes prédiabétiques ont été randomisés dans deux bras afin de suivre un régime PPT ou MED. Le régime PPT reposait sur un algorithme et le régime MED sur les recommandations de diététiciens. D’une manière générale, l’intervention PPT impliquait un apport pauvre en glucides et riche en graisses, dans la mesure où les glucides alimentaires sont un constituant important de la réponse glycémique postprandiale. Par rapport au régime MED, l’intervention PPT a davantage augmenté la diversité et la richesse du MI. Dans le bras PPT, la consommation de certains aliments riches en catéchine, notamment le chocolat noir et les noix de cajou, était augmentée. L’intervention PPT a en outre été associée à un enrichissement en Flavonifractor plautii, une bactérie qui participe au métabolisme du flavonoïde catéchine. Selon un modèle statistique, des modifications d’espèces spécifiques du MI ont en partie joué un rôle de médiateur dans les effets du régime alimentaire sur les résultats cliniques. Par exemple, la modification de l’espèce UBA11471 sp000434215 (de l’ordre des Bacteroidales) a joué un rôle de médiateur partiel dans l’effet du changement de la consommation « d’huiles et graisses méditerranéennes » sur le taux d’HbA1c. L’HbA1c est une hémoglobine glyquée utilisée pour évaluer le diabète. Il a été observé que trois espèces bactériennes (appartenant aux ordres des Bacteroidales, Lachnospiraceae et Oscillospirales) jouent un rôle de médiateur dans l’effet du régime PPT sur les taux d’HbA1c, de HDL-cholestérol et de triglycérides.
En conclusion, cette étude vient corroborer le rôle du MI dans la modification des effets des changements alimentaires sur les résultats cardiométaboliques et fait progresser la notion de nutrition de précision pour réduire les comorbidités dans le prédiabète.
Le métabolome fécal dans les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin
La rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC) sont les deux principales formes de maladie inflammatoire chronique de l’intestin (MICI). Plusieurs métabolites microbiens sont connus pour influer sur les réactions inflammatoires qui jouent un rôle important dans les MICI. Toutefois, les études non ciblées du métabolome fécal dans les MICI sont rares. Dans cette étude, le potentiel des métabolites fécaux en tant que biomarqueurs des MICI a été évalué.
L’étude comprenait 255 témoins sains et 424 patients présentant une MICI. Les analyses métabolomiques non ciblées étaient accompagnées d’analyses de la composition du microbiote intestinal, du séquençage de l’exome et des données génomiques dans les deux cohortes. Les métabolomes des groupes présentant une MICI étaient caractérisés par une déplétion des vitamines et des molécules liées aux acides gras. En outre, les patients présentant une MICI avaient des taux plus élevés du composé phénolique p-crésol sulfate, qui est produit lorsque les bactéries intestinales fermentent les protéines. Les patients atteints de RCH présentaient les plus faibles taux d’acides gras à chaîne courte anti-inflammatoires fécaux. Pour identifier les biomarqueurs potentiels, une approche d’apprentissage automatique a été utilisée afin de prédire les phénotypes des maladies. Le ratio entre sphingolipide et L-urobiline a permis de distinguer les échantillons MICI et non MICI. Chez les patients atteints d’une MICI, l’augmentation des pathobiontes était associée à une augmentation des taux de sphingolipides, d’éthanolamine et d’acides biliaires primaires.
Chez les patients atteints d’une MC, la résection de la valvule iléo-cæcale était associée à des modifications des taux de 212 métabolites, tels que l’acide cholique. En outre, la résection était associée à une abondance réduite de Faecalibacterium prausnitzii, qui a également affecté négativement les taux de métabolites anti-inflammatoires. Une analyse de médiation a montré que les associations observées entre mode de vie, facteurs cliniques et métabolites fécaux étaient déterminées par des altérations du microbiote intestinal.
D’une manière générale, cette étude montre le potentiel des métabolites fécaux en tant que biomarqueurs des MICI et que, malgré l’influence du mode de vie, de la génétique et de la maladie, les micro-organismes intestinaux sont de puissants prédicteurs des taux de métabolites fécaux.
Une immunothérapie modulée par le microbiote oriente les lymphocytes T intestinaux immunosuppresseurs vers les cancers
Une résistance des cancers à l’immunothérapie (immune checkpoint inhibitors, ICI) utilisée à des fins thérapeutiques peut résulter d’un traitement antibiotique (ATB), pouvant impliquer le microbiote intestinal. Toutefois, cette relation n’a pas été étudiée de manière approfondie. Par conséquent, Fidelle et ses collaborateurs se sont attachés à combler ces lacunes en utilisant un modèle de rongeur et des patients humains. D’après la littérature, les bactéries intestinales peuvent induire la différenciation des lymphocytes. Les lymphocytes sensibilisés dans les ganglions lymphatiques mésentériques ou migrant vers la lamina propria intestinale expriment l’intégrine α4β7 interagissant avec son contre-récepteur, la protéine MAdCAM-1 (mucosal addressin cell adhesion molecule-1), qui est exprimée dans les veinules à endothélium épais (HEV, high endothelial venules). Cela empêche de manière importante la migration des lymphocytes Treg17 vers les tumeurs intestinales, pouvant nuire aux effets anticancéreux des ICI. Les Th17 constituent un sous-ensemble de lymphocytes T auxiliaires pro-inflammatoires définis par leur production d’interleukine 17 (IL-17). Ces cellules sont liées aux lymphocytes T régulateurs et aux signaux entraînant l’inhibition de la différenciation des Treg par les Th17.
Chez les rongeurs, le traitement ATB a réduit l’expression de MAdCAM-1. Ce phénomène pourrait s’expliquer par la recolonisation intestinale par le genre Enterocloster. En outre, l’administration orale d’Enterocloster était suffisante pour diminuer l’expression de MAdCAM-1. La restauration de l’expression de MAd CAM-1 sur les HEV iléales par transplantation microbienne fécale ou blocage de l’IL-17A a inversé les effets inhibiteurs de l’ATB. L’expression ectopique de MAdCAM-1 dans le foie a entraîné un maintien local des lymphocytes Treg17 α4β7+ entérotropes. Ce maintien a réduit encore leur accumulation dans les tumeurs et amélioré l’efficacité de l’immunothérapie chez les souris. Dans les cohortes de patients atteints d’un cancer du poumon, du rein et de la vessie, de faibles taux sériques de MAdCAM-1 présentaient un impact pronostique négatif. En conclusion, l’axe MAdCAM-1–α4β7 devrait de préférence être pris en compte dans l’immunosurveillance du cancer.