Microbiome intestinal et maladies inflammatoires chroniques
Revue de presse
Par le Pr Markku Voutilainen
Faculté de médecine de l’Université de Turku ; gastro-entérologie, Hôpital universitaire de Turku, Finlande
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Auteur
Les auteurs ont analysé les altérations du microbiote intestinal dans les maladies inflammatoires chroniques [1]. Les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI), la polyarthrite rhumatoïde (PR), la spondylarthrite ankylosante (SA), le psoriasis/rhumatisme psoriasique (Ps/ RP) et le lupus érythémateux disséminé (LED) sont les principales maladies inflammatoires chroniques à médiation immunitaire (IMID), et touchent 5 à 8 % de la population mondiale. Chez les personnes génétiquement prédisposées, ce sont des stimuli environnementaux qui induisent une réponse immunitaire pathologique, potentiellement déclenchée par le microbiote intestinal.
Incurable et associée à une faible mortalité, une MICI (dans les pays occidentaux, essentiellement la rectocolite hémorragique et la maladie de Crohn) est diagnostiquée chez des sujets souvent jeunes, d’où l’augmentation exponentielle de sa prévalence partout dans le monde. Les patients concernés présentent un risque accru de souffrir d’autres IMID, telles que le Ps, la PR, la SA et la cholangite sclérosante primitive. Ils ont par ailleurs davantage de Proteobacteria (ex. bactéries Escherichia coliadhérentes et invasives), de Pasteurellaceae, de Veillonellaceae, de Fusobacterium et de Ruminococcus gnavus, et moins de Clostridium des groupes IV et XIVa, de Bacteroides, de Sutterella, de Roseburia, de Bifidobacterium et de Faecalibacterium prausnitzii. Sur les plans fongique et viral respectivement, les Saccharomyces cerevisiae sont moins nombreux et les Caudovirales plus abondants.
Comme les patients atteints de MICI, ceux souffrant de sclérose en plaques ont une plus faible abondance de Faecalibacterium, ce qui suggère qu’il pourrait s’agir d’un signe d’inflammation systémique. La PR débute probablement au niveau de la muqueuse buccale ou intestinale, et l’auto-immunité dirigée contre les protéines citrullinées est un phénomène typique. Chez les patients atteints de PR, on a également rapporté une réduction de Faecalibacterium et une augmentation d’Actinobacteriamais on ignore si la dysbiose intestinale est une cause ou un effet de la PR. Les infections virales par le parvovirus B 19 et l’hépatite C sont associées à un risque accru de PR. Le profil du microbiote intestinal des patients atteints de SA, de Ps/RP et de LED serait également altéré.
Dans l’intestin, les bactéries protectrices produisent des métabolites bénéfiques comme le butyrate et le polysaccharide A, stimulant la production de lymphocytes T régulateurs. Une abondance plus faible de ces bactéries est typique des IMID et conduit à une diminution de la tolérance immunitaire. Une dysbiose et une plus grande perméabilité intestinale pourraient stimuler les cellules dendritiques au niveau de la muqueuse intestinale, ce qui entraîne la production de cytokines inflammatoires. L’augmentation des métabolites xénobiotiques (le méthane par exemple) stimule les lymphocytes TH 17 qui jouent un rôle important dans la pathogenèse des IMID. La stimulation des protéases pourrait générer la production d’auto-antigènes typiques des IMID. La diminution des bactéries productrices de butyrate est typique des MICI et autres IMID.
L’alimentation influence le profil du microbiote intestinal à long terme, mais on relève également des modifications à très court terme. Le passage d’une alimentation animale à une alimentation végétale modifie le microbiote intestinal en l’espace d’une seule journée. Les composantes alimentaires étudiées sont notamment les protéines animales, de lactosérum et de pois, une forte/faible teneur en graisses, une forte teneur en graisses saturées/insaturées, le lactose, les édulcorants artificiels, les fibres, l’amidon résistant, les probiotiques et les polyphénols. Les régimes méditerranéen et végétarien augmentent la diversité bactérienne de l’intestin, alors que les régimes occidental et sans gluten pourraient la réduire. La diminution de la diversité bactérienne et la perte de bactéries productrices d’acides gras à chaîne courte sont associées aux MICI.
Les profils dysbiotiques sont communs aux IMID en général, mais certains soustypes de dysbiose sont spécifiques à une maladie. Un groupe de métabolites microbiens produits par diverses compositions microbiennes pourrait être impliqué dans la pathogenèse des IMID. Le profil fonctionnel du microbiome pourrait être le facteur décisif dans la pathogenèse de ces maladies.
Les MICI, les autres IMID et les maladies métaboliques sont associées à un mode de vie occidentalisé (régime alimentaire, meilleures conditions sanitaires). Les pratiques en matière d’hygiène et l’utilisation des antibiotiques pourraient induire des changements défavorables du microbiote, qui pourraient être à l’origine de troubles de la maturation et de la fonction du système immunitaire. Les probiotiques et les antibiotiques ne sont pas des traitements efficaces pour les MICI. De plus, la transplantation de microbiote fécal ne permet d’obtenir de rémission que chez un tiers des patients atteints de rectocolite hémorragique. Les auteurs concluent que la dysbiose pourrait ne pas être spécifique des MICI mais qu’elle modulerait globalement le système immunitaire. Les individus pourraient être génétiquement programmés pour répondre aux modifications immunitaires dans différents systèmes d’organes conduisant à différentes IMID.