Principales contributions autour du microbiote intestinal de l’enfant
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Par le Pr Patrick Bontems
Université Libre de Bruxelles, Bruxelles, Belgique
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A propos de cet article
Auteur
L’ESPGHAN, créé il y a plus de 50 ans, organise un congrès annuel dont l’audience dépasse les 4 000 participants venant de plus de 100 pays différents.
Développement du microbiote à la naissance
Le développement du microbiote après la naissance est déterminé par les échanges entre la mère et l’enfant. La perturbation de ces échanges augmente le risque de survenue de certaines maladies [1]. Les principales causes de dysbioses induites en période néonatale sont la naissance par césarienne, l’utilisation d’antibiotiques et l’absence ou l’arrêt prématuré (avant l’âge de 4 à 6 mois) de l’allaitement maternel. Certaines indications de césarienne et un usage raisonné des antibiotiques ne pouvant être remis en question, la promotion de l’allaitement maternel est une priorité pour les pédiatres.
Diverses études présentées renforcent cette notion. Par exemple, 267 enfants ont été suivis par Sakwinski et al. jusqu’à l’âge de 2 ans. L’étude longitudinale a montré que les enfants non-allaités avaient un risque d’infections respiratoires 3,84 fois supérieur. L’effet protecteur de l’allaitement est dû à la modulation du microbiote, le lait maternel favorisant sa composition en faveur d’une prédominance de bifidobactéries comme le rappelait Berger et al. Cette étude portait sur l’analyse de selles recueillies auprès de nourrissons exclusivement allaités aux États-Unis, en Belgique, en Italie, aux Philippines et au Bangladesh. Cependant, la prédominance de bifidobactéries n’était présente que parmi 17 % des nourrissons aux États-Unis, contre une moyenne de plus de 70 % dans les autres pays. Cette différence pourrait être due à la composition du lait maternel, au microbiote de la mère, ou à d’autres facteurs environnementaux.
La composition du microbiote des enfants nés prématurément est perturbée en raison de la séparation de la mère et de l’enfant. L’administration de lait maternel permet de réduire ces perturbations [2]. Ainsi, l’administration de colostrum par voie oropharyngée favorise la présence de bifidobactéries comme le montrent Feferbaum et al. La pasteurisation du colostrum entraîne toutefois une augmentation des proteobactéries comparativement au colostrum cru. L’administration concomitante de colostrum et de Bifidobactérium breve, dans une étude réalisée par Yamashiro et al. au Japon, semble permettre d’augmenter la colonisation du tube digestif par des bifidobactéries et d’entraîner une amélioration de la croissance chez le prématuré.
Oligosaccharides (HMO)
Les HMOs représentent le troisième composant du lait maternel après le lactose et les graisses [3]. Ce sont principalement des galacto-oligosaccharides qui ont des effets sur le microbiote [4]. Ces dernières années, les laits pour nourrissons ont été supplémentés par certains HMOs [5]. De nombreuses études ont été présentées à ce sujet durant le congrès. Par exemple, Binia et al. ont montré que l’absence de 2’-fucosylated HMO dans le lait de mère, dû à une variation génétique, entraîne une fréquence plus élevée d’infections respiratoires. Sprenger et al. ont rapporté les résultats d’un essai randomisé contrôlé montrant que cet effet protecteur est dû à un microbiote plus riche en bifidobactéries. Tomasi et al. ont étudié les capacités cognitives de souris en fonction de la présence ou absence de 6’-sialyllactose. La mémoire et l’orientation spatiale des souris est améliorée en présence de ce HMO dans l’alimentation des jeunes souris.
Transplantation fécale
La transplantation fécale est une thérapeutique destinée à renouveler le microbiote d’un receveur en cas de dysbiose. L’indication indiscutablement reconnue à ce jour est la colite à Clostridium réfractaire ou récidivante. Une étude chinoise, réalisée par Zhang et al. sur 11 enfants, rapporte une efficacité de 64 % après une seule administration, les cas restants s’améliorant après 2-3 administrations. Dans une deuxième présentation, les mêmes auteurs mettaient en garde contre le risque de ces transplantations, en particulier chez les patients immunodéprimés. Des effets indésirables étaient rapportés chez un quart des patients, mais surtout deux cas sévères ont été observés, dont un entraînant le décès.
Symbiotiques
Le développement de symbiotiques représente probablement une solution d’avenir plus reproductible (pas de variation en fonction des donneurs) et potentiellement moins dangereuse que la transplantation fécale. Durant le congrès, l’intérêt de symbiotiques a été illustrée notamment par une étude réalisée en Russie par Larkova et al. (allergie alimentaire) et par Lin et al. (cirrhose hépatique non-alcoolique). Pour cette dernière, les auteurs ont montré, chez la souris, l’effet protecteur d’un symbiotique pour prévenir la fibrose et la stéatose en cas de régime riche en graisse. L’assemblée s’est ensuite intéressée aux effets cliniques des probiotiques seuls. L’efficacité de Lactobacillus rhamnosus pour améliorer les symptômes en cas d’allergie aux protéines du lait de vache a été démontrée dans un essai contrôlé randomisé avec bras placebo par Bastruk et al. L’efficacité de certains probiotiques pour diminuer la durée d’une gastroentérite aiguë a été rappelée par Nardi et al., pour réduire les effets indésirables digestifs des antibiotiques par Moretti et al., et pour les troubles digestifs fonctionnels des nourrissons par Nocerino et al.
Microbiote et maladies du tube digestif
Les symptômes de dyspepsie sont extrêmement fréquents. Des inhibiteurs de la pompe à protons sont souvent prescrits. Acharyva et al. ont montré que 60 % des enfants avec des symptômes digestifs évoquant une pathologie oesophagienne ou gastrique présentaient une prolifération/ pullulation bactérienne de l’intestin grêle (PBIG). Les auteurs suggèrent de réaliser un test au glucose en cas de gastroscopie négative chez ces patients.
Divers auteurs ont mis en évidence le rôle du microbiote dans la maladie de Crohn, la mucoviscidose et l’intolérance au lactose. En revanche, une revue systématique effectuée par Bezawada et al. n’a pas permis de démontrer le rôle du microbiote dans l’autisme. De même, Lukasik n’a pas pu démontrer de lien entre l’administration d’antibiotiques en période néonatale et l’autisme.