Focus sur le 4e congrès biennal de la ESNM
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Par le Pr. Fernando Man
Gastro Health, Buenos Aires, Argentine
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Chapitres
A propos de cet article
Le 4e Congrès biennal de la Société européenne de neurogastroentérologie et de motilité (NeuroGASTRO 2019) s’est tenu du 5 au 7 septembre à Lisbonne (Portugal). Plus de 400 médecins et chercheurs du monde entier ont fait de ce congrès un événement exceptionnel, grâce à la présentation des toutes dernières recherches expérimentales et de nombreuses conférences passionnantes.
Syndrome de l’intestin irritable et microbiote
Le syndrome de l’intestin irritable (SII) est un trouble chronique associé à des douleurs et à une modification de la consistance et de la fréquence des selles. L’influence de la composition du microbiote intestinal a été proposée comme axe d’étude [1]. Une diminution de la diversité alpha, une augmentation du ratio Firmicutes/Bacteroidetes et une abondance accrue de Streptococcus et de Ruminococcus ont été décrites. Même si le traitement par probiotiques dans le SII n’est pas encore clairement défini, de nombreuses études ont montré des résultats prometteurs. Une pullulation bactérienne de l’intestin grêle (PBIG), diagnostiquée par un test respiratoire au lactulose/ glucose, a été associée au SII dans un sous-groupe de patients.
Lors d’un atelier Biocodex intitulé « Stratégies basées sur le microbiome dans la prise en charge du SII », le Professeur Magnus Simren a souligné le fait que le microbiote intestinal est altéré dans un sous-groupe de patients atteints de SII. Il a été proposé d’inscrire la physiopathologie du SII dans un cadre intégré, dans lequel le microbiote intestinal pourrait interagir avec le système immunitaire intestinal, la barrière épithéliale et l’axe intestin-cerveau. Une signature microbienne intestinale spécifique pourrait être liée à la sévérité des symptômes du SII. En outre, les probiotiques pourraient agir sur l’hypersensibilité viscérale, le dysfonctionnement neuromoteur, la dysbiose, l’altération de la barrière intestinale et l’inflammation de bas grade. En fait, la plupart des méta-analyses sont en faveur de l’utilisation des probiotiques dans le SII [2]. Reste à déterminer quel probiotique est utile chez chaque patient.
Dans un essai contrôlé versus placebo, une souche de l'espèce Bifidobacterium longum (anciennement B. infantis) s’est montrée supérieure au placebo concernant l’évaluation globale du soulagement des symptômes dans tous les sous-types de SII [3]. Le mécanisme proposé est une normalisation de l’équilibre entre les cytokines anti- et pro-inflammatoires IL-10 et IL-12.
Le régime pauvre en FODMAP a récemment été proposé dans le cadre de la prise en charge du SII. Davantage d’études doivent être réalisées afin d’évaluer son effet à long terme sur la composition du microbiote ainsi que ses conséquences nutritionnelles. La réponse à une intervention de ce type pourrait être prédite par les profils bactériens fécaux.
De nombreuses études passionnantes sur le SII et le microbiote ont été présentées à l’occasion de ce congrès.
La transplantation de microbiote fécal (TMF) est devenue un candidat prometteur dans le traitement du SII. Toutefois, une récente méta-analyse [4] n’a montré aucune différence entre le placebo et la TMF. La disponibilité d’un super donneur (sportif, jeune et en bonne santé, n’ayant pris des antibiotiques que 3 fois dans sa vie), comme l’a montré une étude présentée par M. El Salhy, pourrait être la clé pour obtenir de meilleurs résultats.
Dans un poster présenté par V. Passananti, l’espèce Bifidobacterium infantis a démontré une amélioration des symptômes chez les non-répondeurs au régime pauvre en FODMAP. Les résultats étaient similaires pour la sévérité et la fréquence des douleurs et de la distension abdominale. Le nombre de cas sévères de SII a également été réduit de moitié et une réduction significative des scores d’anxiété (p < 0,005) et de dépression (p < 0,006) a été observée.
L’effet d’un probiotique contenant seulement Saccharomyces boulardii (Sb) ou plusieurs espèces (Lactobacillus casei, L. rhamnosus, L. acidophilus, L. bulgaricus, Bifidobacterium longum et B. brevis) a été étudié chez 53 patients souffrant de ballonnements et de douleurs abdominales, et a été présenté par D. Vera dans une étude. Les deux probiotiques ont entraîné une diminution des ballonnements et des douleurs, avec un effet plus important de Sb pour le soulagement des douleurs abdominales (p < 0,001).
L’impact de S. boulardii (Sb) chez des patients présentant un SII-D et une PBIG a été évalué par L. Bustos Fernandez. Une tendance à une plus forte diminution de l’ASC de la production d’hydrogène au test respiratoire a été observée dans le groupe Sb, avec une amélioration du score IBSSSS et une normalisation des selles suivant l’échelle de Bristol par rapport au groupe témoin. L’espèce Faecalibacterium prausnitzii était plus abondante chez les patients présentant une amélioration clinique marquée avec Sb, à savoir une normalisation de la consistance des selles (+ 120 %), un test PBIG négatif avec une amélioration des symptômes liés au SII (+ 400 %) et une réduction des douleurs abdominales (- 76,5 %). Les analyses du mycobiote ont montré des modifications significatives de Sb et des lignées phylogénétiques proches (les genres Saccharomyces [+ 27 %], Debaryomyces [– 88 %] et Filobasidium [> 1 000 %]). En outre, le genre Penicilium et la lignée supérieure proche étaient 100 fois plus abondants dans les échantillons PBIG-négatifs après le traitement par Sb.
Microbiote et obésité
Le rôle du microbiote dans l’obésité a suscité un vif intérêt, et il a été suggéré que certaines signatures microbiennes pourraient augmenter la capacité d’absorption énergétique.
P. Enck a souligné le fait qu’une faible diversité du microbiote intestinal pourrait également être utilisée comme biomarqueur de l’obésité, et qu’une signature microbienne spécifique entraîne une préférence pour les aliments hautement caloriques. Le rôle de l’altération du ratio Firmicutes / Bacteroidetes a été avancé, mais cette caractéristique n’est pas spécifique à l’obésité. Cette hypothèse n’a pas été confirmée dans une récente méta-analyse [5].
Pour qu’un biomarqueur putatif de l’obésité soit pertinent, la composition du microbiote doit être sensible aux variations de poids, ce qui n’est pas toujours observé en chirurgie bariatrique ; inversement, la modification du microbiote doit induire une variation de poids. Ni les pré/probiotiques, ni la TMF n’ont atteint cet objectif.
Même si l’on sait que le microbiote intestinal est impliqué dans l’obésité, il n’est pas possible aujourd’hui d’identifier une signature fiable à titre de biomarqueur. Les essais cliniques conduits chez l’Homme sont perturbés par l’alimentation quotidienne et d’autres facteurs comme les probiotiques, l’exercice physique et la TMF.
Microbiote et axe intestin-cerveau
Le microbiote intestinal joue un rôle dans la détermination de la santé mentale, aspect ciblé par les «psychobiotiques». Les probiotiques, les prébiotiques, l’alimentation, la TMF et l’altération de consortiums microbiens et leurs métabolites représentent un champ d’investigation passionnant dans le cadre des troubles liés au stress.
G. Clarke a présenté des études montrant que le microbiote intestinal peut moduler le volume de l’amygdale et qu’une hypertrophie dendritique au niveau des neurones de l’amygdale basolatérale est observée chez les animaux axéniques. La sérotonine et le tryptophane, un précurseur de la sérotonine, jouent un rôle dans l’axe intestin-cerveau. Le microbiote peut réguler le système sérotoninergique de l’hippocampe et une déplétion en tryptophane normalise les comportements dépressifs.
De plus, l’altération du microbiote est associée à un comportement de désespoir induit par le stress chez le rat ; la restauration des taux intestinaux de Lactobacillus a normalisé le comportement induit par le stress et a amélioré la production de sérotonine. Une réduction de la diversité microbienne est également présente dans la dépression, avec une diminution de Prevotella. Les comportements de type anhédonie, l’anxiété et le profil métabolique du tryptophane peuvent être transférés via le microbiote intestinal. Les travaux présentés par G. Clarke montrent que l’espèce B. longum pourrait jouer un rôle antidépresseur chez le rat et réduire la réponse au stress chez le volontaire sain en bonne santé.