Les microbiotes humains, réservoirs de peptides antimicrobiens
Les microbiotes humains seraient des réservoirs de peptides antimicrobiens aussi efficaces que certains antibiotiques actuellement utilisés ; certains pourraient épargner les bactéries commensales. 1
en_sources_title
en_sources_text_start en_sources_text_end
A propos de cet article
« L’une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement ». Tels sont les mots de l'OMS 2 pour qualifier la résistance aux antibiotiques. Pour y faire face, les (sidenote: Peptides antimicrobiens (AMP) Les peptides antimicrobiens (AMP) sont des séquences courtes d’acides aminés largement présents dans une variété d'organismes, notamment les bactéries, les plantes, les amphibiens, les insectes, les poissons et les mammifères. Ils sont capables de perturber la croissance microbienne, en interférant le plus souvent avec l'intégrité de la paroi cellulaire. Approfondir https://www.sciencedirect.com/topics/agricultural-and-biological-sciences/antim… ) sont jugés prometteurs. Mais ils demeurent encore peu nombreux. Quelques exemples :
- La bacitracine produite par Bacillus licheniformis pour traiter les infections des yeux et de la peau
- La colistine produite par Paenibacillus polymyxa variant collistinus, pour traiter la pneumonie chez les patients atteints de mucoviscidose
- La polymyxine B produite par Paenibacillus polymyxa pour traiter les infections topiques.
D’où ces travaux de recherche pour identifier de nouveaux candidats, à partir de 1 773 génomes issus des microbiotes humains de la peau, de la bouche, du système digestif et du vagin de 263 femmes saines du NIH Human Microbiome Project. 3
323 candidats potentiels
L’équipe a identifié 323 candidats potentiels que les auteurs ont appelés SEP (smORF-encoded peptides, peptides codés par des (sidenote: SmORF (Small open reading frames) Petites séquences codant pour des petits peptides de moins de 100 acides aminés capables néanmoins de médier des fonctions physiologiques clés chez l’Homme et l’animal. Approfondir Couso JP, Patraquim P. Classification and function of small open reading frames… ) ).
Parmi eux, 78 ont été sélectionnés au regard de 3 critères (potentiel antimicrobien, diversité des familles représentées, facilité de synthèse), synthétisés puis testés contre :
- 11 souches cliniquement pertinentes de pathogènes (Acinetobacter baumannii, E. coli, Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas aeruginosa, Staphylococcus aureus, Enterococcus faecalis, Enterococcus faecium)
- et 13 bactéries commensales du tube digestif les plus représentées (appartenant à 4 phyla : Verrucomicrobia, Bacteroidetes, Actinobacteria, et Firmicutes)
En effet, à la différence des AMP, les SEP peuvent aussi cibler des commensaux.
70,5 % montre une activité antimicrobienne
Au total, 55 des 78 SEP synthétisés (70,5 %) présentaient une activité antimicrobienne in vitro contre au moins une bactérie pathogène ou commensale :
- 33 des 78 SEP détruisaient au moins un des 11 pathogènes testés ; S. aureus est le seul pathogène qui n’est ciblé par aucun des 78 SEP synthétisés
- 45 des 78 SEP affichaient une légère activité antibactérienne contre des commensaux.
Les 5 SEP les plus prometteurs (forte activité anti-pathogène, faible activité contre les commensaux) étaient codés par (sidenote: Des bactéries cutanées et digestives La faecalibacticine-3 (Faecalibacterium prausnitzii), la fusobacticine-2 (Fusobacterium nucleatum), la keratinobacine-1 (Keratinibaculum paraultunense), la staphylococcine-2 (Staphylococcus capitis) et la prevotelline-2 (Prevotella copri). ) . Les actions des différents SEP se révélaient souvent synergiques.
In vivo (modèle murin), le meilleur candidat, à savoir la prévotelline-2 (P. copri), s’est montré aussi efficace que l’antibiotique de référence (la polymyxine B) en termes de réduction de la charge bactérienne, et ce, sans toxicité notable pour les souris infectées par A. baumannii.
6 choses à savoir sur les antibiotiques
La membrane cytoplasmique en ligne de mire
Afin de déterminer leurs mécanismes d’action, les SEP dotés d’un pouvoir antimicrobien ont été étudiés sous toutes les coutures. Leur action antimicrobienne semble cibler la membrane cytoplasmique des bactéries qu’elles dépolarisent (alors que les AMP et EP classiques ciblent en général la membrane externe).
3 antagonismes
Enfin, les différents SEPs agiraient via 3 types d’antagonismes :
• Intra-espèce (permet de lutter contre la concurrence des autres souches)
• Inter-espèces au sein d’un même site (par exemple la faecalibacticine-3 produite par la bactérie intestinale Faecalibacterium prausnitzii du phylum des Firmicutes cible plusieurs bactéries du phylum Bacteroidetes)
• Inter-espèces visant des bactéries d’un autre site (la staphylococcine-2 produite par la bactérie cutanée Staphylococcus capitis s’avère très active contre plusieurs phyla de bactéries intestinales)
Outre la lutte contre les pathogènes, les SEP pourraient donc remodeler les microbiotes.