Immunothérapie et cancer : pas d’antibiothérapie préalable
Une dysbiose intestinale induite par la prise préalable d’un antibiotique à large spectre modifierait l’efficacité de l’immunothérapie anti-cancéreuse, au point de faire chuter la survie globale des patients.
en_sources_title
en_sources_text_start en_sources_text_end
A propos de cet article
Le traitement par inhibiteur de check points immunitaires (ICI) est une forme d'immunothérapie qui représente une nouvelle option thérapeutique pour certaines tumeurs, dont le mélanome et le cancer pulmonaire non à petites cellules (CPNPC). En dépit de son efficacité, son utilisation ne bénéficie qu’à un nombre restreint de patients. D’où les efforts pour mieux anticiper la réponse au traitement et mieux orienter sa prescription en routine. Dans ce contexte, une équipe s’est demandé si le moment de la prise d’un antibiotique (ATB) à large spectre pour remédier essentiellement aux infections respiratoires– soit antérieurement, soit concomitamment à l’ICI - pouvait modifier l’efficacité du traitement via la modulation du microbiote intestinal.
Chute de la survie de 26 à 2 mois
Cette étude de cohorte prospective, menée dans 2 centres universitaires, a inclus 196 patients (137 hommes et 59 femmes ; âge moyen de 68 ans) atteints de cancers (119 CPNPC, 38 mélanomes, 39 autres cancers) ayant bénéficié d’un traitement par ICI pendant plus de trois ans. Ses résultats soulignent qu’une antibiothérapie administrée dans les 30 jours précédant le traitement par ICI (pATB, pour prior ATB) diminue nettement la survie globale des patients, et ce quel que soit le cancer (2 mois pour les patients pATB vs. 26 mois pour ceux sans traitement antibiotique préalable). Le taux de tumeurs réfractaires au traitement est également largement plus élevé chez patients pATB (81 % vs. 44 % sans pATB). Ainsi, le timing de l’antibiothérapie semble crucial : alors qu’une administration concomitante à l’ICI n’a pas d’incidence, elle est de mauvais pronostic lorsqu’elle est administrée préalablement.
Comprendre le rôle du microbiote intestinal
Les auteurs ont conscience que leurs résultats demeurent limités par la petite taille de leur cohorte et par le manque d’analyse de corrélation entre l’antibiothérapie et la composition du microbiote des patients. Mais ils confortent les résultats d’études précédentes, selon lesquels une dysbiose intestinale est associée à une mauvaise réponse au traitement par ICI anti-cancéreuse. Parmi les hypothèses évoquées, l'utilisation d'ATB provoquerait des perturbations prolongées de l’écosystème intestinal et nuirait ainsi à l’efficacité des lymphocytes T contre le cancer. Mais il ne s’agit que d’une hypothèse encore vague, et des études mécanistiques devront être rapidement menées afin de comprendre comment les altérations du microbiote intestinal induites par des antibiothérapies préalables impactent négativement l’efficacité des traitements par ICI.