Dysbiose intestinale chez les macaques infectés par le SARS-CoV-2
Une équipe française du Centre d’Infection et d’Immunité de Lille, en collaboration avec le CEA, l’INRAE, l’Institut Pasteur et l’hôpital Saint Antoine, a montré chez le macaque que le SARS-CoV-2, l’agent de la COVID-19, induit une dysbiose intestinale qui persisterait même après l’élimination du virus.
en_sources_title
en_sources_text_start en_sources_text_end
A propos de cet article
L'interaction étroitement régulée entre le microbiote intestinal (MI) et l'hôte influence de nombreuses fonctions physiologiques dont l'homéostasie immunitaire. Un ensemble de données précliniques et cliniques montre que la composition du microbiote intestinal est modifiée de façon transitoire dans le contexte d'une infection respiratoire virale aiguë. Dans le contexte de la COVID-19, l’étude du microbiote intestinal durant l’infection est d’autant plus pertinente que le SARS-CoV-2 a des récepteurs ACE2 également au niveau intestinal, que le virus est retrouvé chez plus de 25 % des patients infectés, et que les altérations du microbiote intestinal associées aux atteintes pulmonaires sont susceptibles d'influencer la gravité de la maladie. Cette étude préclinique est la première à s’intéresser à la cinétique de l'infection par le SARS-CoV-2 sur les changements dynamiques au sein du microbiote intestinal de macaques.
Le macaque : un bon modèle d’infection au SARS-CoV-2
Les données humaines dont nous disposons actuellement sont très importantes mais ne permettent pas de suivre l'évolution complète de l'infection (c'est-à-dire d'avant la contamination jusqu'après la résolution). Les chercheurs ont complété certaines pièces manquantes du puzzle de l’infection à l’aide de deux espèces de macaques (Macaca fascicularis et Macaca mulatta). Ces primates non humains sont un modèle pertinent pour l’étude de la COVID-19 : le virus se répliquent dans les voies respiratoires hautes et basses, induit une pathologie pulmonaire et respiratoire sans provoquer de symptômes. Deux macaques de chaque espèce ont été infectés par voie intranasale et intratrachéale. Des échantillons sanguins (mesure des cytokines) et des selles ont été récoltés 9 jours avant l'infection et à J0, puis J3, J5, 7, J10, J13, J20 et J26 post-infection. Deux macaques ont eu des diarrhées transitoires à J4.
COVID-19 : une dysbiose persistante même après l’infection…
L’analyse par séquençage du gène de l’ARNr16S révèle des changements significatifs dans la composition du microbiote intestinal, avec un pic à 10-13 jours post-infection. Certaines altérations du microbiote pouvaient persister après l’élimination du SARS-CoV-2 des voies respiratoires supérieures (virus indétectable dans le nasopharynx et la trachée à J20, mais détectable dans les selles chez 2 macaques) et ce jusqu’au 26ème jour. Un grand nombre de changements dans l'abondance des taxons bactériens est observé durant l'infection, en particulier à J13. L'abondance relative des Acinetobacter et de certains genres de la famille des Ruminococcaceae était notamment positivement corrélée à la présence du virus dans les voies respiratoires supérieures.
…Et un microbiote intestinal avec une activité fonctionnelle altérée
Une approche métabolomique a été utilisée pour évaluer les conséquences fonctionnelles des modifications au sein du microbiote intestinal associées à l'infection. Objectif ? Quantifier trois des plus importantes catégories de métabolites dérivés du microbiote : les acides gras à chaînes courtes (AGCC), les acides biliaires et les métabolites du tryptophane. Les niveaux d'AGCC étaient modifiés pendant l'infection, en particulier entre le 2e et le 13e jour. De plus, des changements de plusieurs acides biliaires et métabolites du tryptophane ont été identifiés chez les animaux infectés. L'abondance relative de plusieurs taxons connus pour être des producteurs d'AGCCs (principalement de la famille des Ruminococcaceae) était négativement corrélée avec certains marqueurs inflammatoires systémiques, tandis que plusieurs membres du genre Streptococcus corrélaient quant à eux fortement avec ces marqueurs. Cette étude montre qu'une infection expérimentale chez le macaque par le SARS-CoV-2 favorise la dysbiose intestinale en termes de composition et d'activité fonctionnelle. La persistance de la dysbiose après la résolution de l'infection pourrait jouer un rôle dans les formes longues de la COVID-19 qui sont actuellement signalées chez l'homme.