Depression geriatrique : le microbiote intestinal impliqué dans la remission ?
Le microbiote intestinal, déjà impliqué dans le fonctionnement neuropsychiatrique par de précédentes études, pourrait prédire la réponse au traitement, y compris via un placebo, de la dépression gériatrique. Et la future rémission, ou non.
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A propos de cet article
Véritable enjeu de santé publique, la dépression gériatrique pourrait toucher jusqu’à 25 % des personnes âgées, avec des taux de rémission plus faibles et des taux de rechutes plus élevés que chez les adultes plus jeunes. D’où la recherche de biomarqueurs capables de prédire la réponse aux antidépresseurs. Cette recherche jusqu’à présent infructueuse connait actuellement un tournant : les interactions cerveau-intestin-microbiote modulant les troubles de l'humeur et une dysbiose intestinale apparaissant en fin de vie, des chercheurs ont émis l'hypothèse que le microbiote intestinal pourrait prédire la réponse aux traitements antidépresseurs, dans la dépression gériatrique. L’analyse secondaire d’un essai randomisé contrôlé (12 semaines de Lévomilacipran (LVM) vs placebo) mené en Californie auprès de seniors présentant un trouble dépressif majeur semble leur donner raison.
Des genres bactériens capables de prédire la rémission
Faute d’observer des différences entre le groupe sous LVM et le groupe placebo dans le taux de rémission, l’analyse a combiné les 4 patients traités et les 8 témoins. Sur ces 12 seniors, 5 sont sortis de leur dépression (score ≤ 6 sur l’échelle de Hamilton) : ils étaient plus jeunes (67 vs 74 ans), tous des hommes mais leur microbiote intestinal avant traitement ne montrait aucune différence en termes de diversité α ou β. En revanche, 9 genres bactériens permettaient de prédire avec précision la rémission : un microbiote intestinal initial enrichi en Faecalibacterium, et dans une moindre mesure en Agathobacter et Roseburia, laissait ainsi présager une sortie de la dépression.
Un microbiote intestinal qui évolue en cas de rémission
L’étude a également montré que le microbiote intestinal des patients en rémission (mais pas celui des patients demeurant dépressifs) se modifie durant leur sortie de dépression. Ainsi, les chercheurs observent l’augmentation de certains taxons, dont notamment Flavonifractor et DTU089. Selon les auteurs, la présence accrue de ces bactéries, sans effets antidépresseurs connus, pourrait être la conséquence de la sortie de dépression (amélioration de l'alimentation, augmentation des activités physiques, restauration du sommeil, moindre stress…).
Bientôt une médecine personnalisée pour traiter la dépression gériatrique ?
La relation entre le microbiote intestinal et la dépression au cours du vieillissement demeure toutefois mal comprise : un lent déclin du système immunitaire (immunosénescence) entraîne-t-il une augmentation progressive de l'inflammation chronique ? Cette augmentation altère-t-elle le microbiote intestinal (perte de diversité) ? Si des questions demeurent, cette étude montre pour la première fois que le rôle du microbiote intestinal dans la prédiction de la réponse au traitement de la dépression gériatrique, y compris par effet placebo. Si ces résultats doivent être confirmés par des études prospectives de plus grande envergure, ils pourraient ouvrir la voie à une médecine personnalisée capable de choisir le bon antidépresseur en fonction du microbiote et de l’efficacité prédite par celui-ci, voire de traiter la dépression en renforçant certains taxons bénéfiques.