Cancer du pancréas : un diagnostic précoce non invasif grâce au microbiote fécal ?
Responsable d’un taux de mortalité particulièrement élevé (lié à un diagnostic tardif et des options thérapeutiques limitées) malgré un faible taux d’incidence, le cancer du pancréas est l’un des cancers les plus difficilement diagnosticables. Et si le microbiote permettait de changer la donne ?
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A propos de cet article
C’est en tout cas ce que suggèrent les travaux d’une équipe germano-hispanique publiés en 2022 dans la revue Gut. Partant du constat que des altérations des microbiotes oraux, fécaux et pancréatiques étaient associées à un risque augmenté d’adénocarcinome canalaire pancréatique (AP), les chercheurs ont souhaité explorer le potentiel des microbiotes salivaires et fécaux comme outils diagnostiques de la maladie. En effet, à date il n’existe qu’un marqueur du AP validé par la (sidenote: Food and Drug Administration Service de pharmacovigilance du gouvernement américain ) (mais peu sensible et spécifique) : l’antigène carbohydrate 19-9 (CA 19-9).
Des biomarqueurs diagnostic identifiés via 2 cohortes
En vue d’évaluer le potentiel des microbiotes salivaire & fécal comme potentiels biomarqueurs de diagnostic d’AP, les chercheurs ont effectué une analyse métagénomique (séquençage de l’ARNr 16S et shotgun), sur des échantillons fécaux et de salive provenant de 2 cohortes :
- La première, (cohorte de prédiction), regroupe 136 patients espagnols répartis en 3 groupes (57 patients AP dont le traitement n’a pas débuté, 29 patients atteints de pancréatite chronique, 50 individus contrôle)
- La seconde cohorte (validation) composée de 76 patients allemands (32 patients AP, 32 individus contrôle).
Enfin, la spécificité du modèle a été validée sur 5792 profils métagénomiques intestinaux issus de 25 bases de données publiques.
Le microbiote fécal : une meilleure performance de diagnostic
Le microbiote fécal s’avère plus performant que le microbiote salivaire pour identifier avec précision (AUROC= 0,84) les patients atteints d’AP en se basant sur un set de 27 espèces, et ceci, indépendamment de la phase de la maladie (cohorte espagnole de prédiction). La précision augmente (AUROC=0,94) lorsque l’on combine les analyses métagénomiques fécales à celle du marqueur sérique CA 19-9. Ces deux modèles ont été validés sur la cohorte indépendante allemande (0,83 AUROC) ainsi que sur des profils métagénomiques intestinaux provenant de 5792 patients de 18 pays différents et souffrant de pathologies variées (AP, obésité, diabète, cancer colorectal…) : dans les 2 cas, les signatures métagénomiques fécales spécifiques de l’AP sont détectés avec précision. Enfin, certaines espèces du modèle sont aussi retrouvées dans la tumeur pancréatique et les tissus non tumoraux.
Vers de nouvelles méthodes de diagnostic ?
Les résultats de cette étude sont porteurs d’espoir pour le diagnostic précoce du cancer du pancréas. Ils pourraient en effet conduire au développement d’une méthode de détection robuste, non invasive, spécifique de ce type de cancer, de bas coût et efficace dès les premiers stades de la maladie. Au-delà du diagnostic, les chercheurs supposent que ces bactéries spécifiques de l’AP ouvrent la voie à de nouvelles possibilités pour la prévention et l’intervention thérapeutique sur ce type de cancer.