Préménopause et dépression : vers une nouvelle voie de prise en charge ?
L'œstrogénothérapie substitutive proposée aux femmes ménopausées dépressives serait-elle une approche qui traite la conséquence (la baisse du taux d’œstradiol) mais pas la véritable cause ? Car la responsable pourrait être une bactérie intestinale.
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A propos de cet article
Nous ne sommes pas tous égaux devant la dépression : les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes, sans doute en raison de différences hormonales. Il a été démontré chez la souris que la diminution des taux d'œstradiol entrainait un syndrome dépressif. L’œstradiol est excrété par voie biliaire dans le système digestif et partiellement réabsorbé. Or de précédents travaux ont montré que le passage des hormones stéroïdiennes au contact de notre microbiote digestif pouvait affecter leur taux sérique. Pour en savoir plus sur les mécanismes en jeu, une équipe chinoise a suivi 91 femmes trentenaires dépressives et 98 autres sans dépression.
Le microbiote responsable
Les résultats montrent que chez les femmes dépressives, les taux d’œstradiol s’avèrent nettement inférieurs (54 pg/mL vs 95 pg/mL). Et leur microbiote pourrait être responsable : in vitro, en 2 heures, le microbiote de 5 femmes dépressives s’avère capable de dégrader 77,8 % des 100 mg/L d’œstradiol ajoutés, contre seulement 19,3 % pour le microbiote de 5 femmes sans dépression. En outre, une transplantation de ce « microbiote dépressif » à des souris suffit à faire décliner les taux d’œstradiol sérique des rongeurs et leur moral.
2 fois Les femmes sont environ 2 fois plus susceptibles que les hommes de souffrir de dépression.
plus de 100 ans L'idée d'un lien entre l'œstradiol et la dépression chez les femmes a été proposée il y a plus de 100 ans.
3 à 4 % des femmes connaissent une baisse des taux d'œstradiol qui n'est pas due à la ménopause, à l'allaitement ou à la grossesse.
Klebsiella aerogenes en ligne de mire
La responsable de cette dégradation serait la bactérie Klebsiella aerogenes. Une expérience de gavage le confirme : des souris consommant K. aerogenes affichent des taux d’œstradiol réduit et des syndromes dépressifs ; l’administration d’un antibiotique à laquelle la bactérie est sensible suffit à supprimer les symptômes. Tout laisse donc à penser que K. aerogenes dégraderait l’œstradiol. D’ailleurs, la bactérie peut exprimer le gène codant pour l’enzyme responsable de cette dégradation. Et, chez les femmes dépressives, cette bactérie et cette enzyme s’avèrent plus abondantes. Mais K. aerogenes pourrait ne pas être la seule bactérie intestinale capable de produire cette enzyme. D’autres bactéries, comme Bacteroides thetaiotaomicron et Clostridia, pourraient aussi être impliquées.
Cibler les bactéries
Ces premiers résultats pourraient ouvrir de nouvelles voies de traitement pour réduire la dépression chez les femmes : l'œstrogénothérapie substitutive. Selon les auteurs, les bactéries dégradant l'œstradiol dans l'intestin, voire les enzymes exprimées par ces bactéries, pourraient donc constituer de bien meilleures cibles.