Le microbiome maternel favorise le développement du placenta chez la souris
ARTICLE COMMENTÉ - Rubrique adulte
Par le Pr. Harry Sokol
Gastro-entérologie et nutrition, Hôpital Saint-Antoine, Paris, France
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Chapitres
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A propos de cet article
Commentaire de l’article de Pronovost et al. (Science Advances 2023) [1]
Le microbiome maternel est un régulateur important de la santé gestationnelle, mais la façon dont il affecte le placenta en tant qu’interface entre la mère et le foetus reste inexplorée. Les auteurs montrent ici que le microbiote intestinal maternel favorise le développement placentaire chez la souris. L’appauvrissement du microbiote intestinal maternel limite la croissance du placenta et altère la vascularisation foeto-placentaire. Le microbiote intestinal maternel module les métabolites dans la circulation maternelle et foetale. Les acides gras à chaîne courte (AGCC) stimulent la formation de tubes dans les cellules endothéliales cultivées et préviennent les anomalies de la vascularisation placentaire chez les souris déficientes en microbiote. En outre, dans un modèle de malnutrition maternelle, la supplémentation gestationnelle en AGCC prévient la restriction de la croissance placentaire et l’insuffisance vasculaire. Ces résultats soulignent l’importance des symbioses hôte-microbe pendant la grossesse et révèlent que le microbiome intestinal maternel favorise la croissance et la vascularisation du placenta chez la souris.
Que sait-on déjà à ce sujet ?
Des études récentes mettent en évidence les influences notables du microbiome maternel sur le développement de la progéniture dès la période prénatale 2, mais on ne sait toujours pas exactement comment le microbiome maternel influe sur la santé materno-foetale pendant la grossesse. À l’intersection de la mère et du foetus se trouve le placenta, très vascularisé, qui permet les échanges materno-foetaux de nutriments et de gaz nécessaires au développement du foetus 3. Les auteurs ont examiné les effets du microbiome intestinal maternel sur le développement du placenta chez la souris, un organe essentiel qui façonne les trajectoires de santé à long terme.
Quels sont les principaux résultats apportés par cette étude ?
Pour déterminer les effets du microbiome intestinal maternel sur le développement placentaire, les auteurs ont d’abord élevé des souris gestantes sans germes (GF) ou en appauvrissant le microbiome intestinal par des antibiotiques à large spectre (ABX). L’absence ou l’appauvrissement du microbiome intestinal maternel a entraîné une réduction du poids du placenta par rapport à des souris avec un microbiote conventionnel et à des témoins GF colonisées avec le microbiote conventionnel, CONV) (figure 1). En accord avec les réductions de poids placentaire, la déficience du microbiome maternel a conduit à des réductions du volume placentaire total, ainsi qu’à une réduction du volume et de la densité des tissus dans le labyrinthe placentaire, le principal site d’échange materno-foetal. En plus de la physiopathologie placentaire induite par l’ABX chez la mère, nous avons observé des diminutions correspondantes du poids et du volume du foetus. La vascularisation foeto-placentaire de mères déficientes en microbiote présentait un volume et une surface vasculaires réduits, avec des diminutions visibles des branches vasculaires, par rapport aux témoins (figure 1). Cela suggère que le microbiome maternel commande le développement vasculaire à des moments critiques de la gestation. Étant donné que le microbiome maternel régule de nombreux métabolites circulants, les auteurs ont émis l’hypothèse que les insuffisances de vascularisation foeto-placentaire pourraient être liées au microbiote et pourraient résulter d’altérations des métabolites clés dans la circulation foetale. Les auteurs se sont penchés spécifiquement sur le rôle des acides gras à chaîne courte (AGCC). Les AGCC sont produits par la fermentation bactérienne des hydrates de carbone et sont significativement réduits dans le sérum maternel et foetal des mères déficientes en microbiote.
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Sur la base de recherches antérieures démontrant que la supplémentation maternelle en AGCC conduit à un transfert direct des AGCC de la circulation maternelle à la circulation foetale, les auteurs ont traité les mères ABX avec de l’eau supplémentée en AGCC ou de l’eau contrôle. Cette stratégie de supplémentation augmentait de manière significative les concentrations de butyrate et de propionate dans le sang total du foetus. Le traitement maternel par AGCC a augmenté le poids du placenta et corrigé les altérations de la croissance placentaire des mères ABX à des niveaux comparables à ceux des témoins, avec des augmentations correspondantes du volume total du placenta et du labyrinthe. Des cellules endothéliales de la veine ombilicale humaine (HUVEC) ont ensuite été traitées par des AGCC à des concentrations physiologiques. Les AGCC acétate et propionate augmentaient de manière significative la longueur des ramifications des HUVEC par rapport aux témoins véhicules, alors que le signal avec le butyrate était moins clair. Cet effet dépendait des récepteurs aux AGCC, FFAR2 et FFAR3 (free fatty acid receptor 2 and 3). Dans le contexte de la malnutrition maternelle induite par la restriction protéique, la supplémentation maternelle en AGCC était suffisante pour restaurer le poids et le volume total du placenta et augmenter la vascularisation foeto-placentaire.
Quelles sont les conséquences en pratique ?
Cette étude démontre le rôle du microbiote intestinal maternel dans la physiologie, et particulièrement la vascularisation placentaire. Les déficits vasculaires placentaires sont associés à une réduction du poids du foetus, à la prééclampsie, et, à l’âge adulte, à un risque accru de nombreuses pathologies. Des interventions cib lant le microbiote, en première intention nutritionnelle, pour favoriser la production d’AGCC pourraient jouer un rôle protecteur.
- Dans l’ensemble, ces données révèlent le rôle clé du microbiome intestinal maternel dans la promotion de la croissance et du développement du placenta
- Le microbiome maternel est nécessaire au bon développement de la vascularisation foeto-placentaire
- Les AGCC favorisent la croissance du placenta et le développement vasculaire, même dans des conditions de malnutrition maternelle
CONCLUSION
Cette étude révèle que les fonctions métaboliques apportées par le microbiome intestinal maternel pendant la grossesse font partie intégrante du soutien à la croissance et à la vascularisation du placenta chez la souris. Une meilleure compréhension de la manière dont le microbiome intestinal maternel affecte la structure et le fonctionnement du placenta pourrait permettre de mettre au point de nouvelles approches visant à promouvoir la santé maternelle et foetale et à réduire le risque de maladies chroniques.