Microbiote intestinal #19
Par le Pr. Satu Pekkala
Chercheur à l’Académie de Finlande, Faculté des sciences du sport et de la santé, Université de Jyväskylä, Finlande
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Chapitres
A propos de cet article
Métabolisme microbien du 5-ASA et maladie de l’intestin irritable
La maladie inflammatoire de l’intestin (MII) se traite avec l’acide 5-aminosalicylique (5-ASA). Cependant, plus de la moitié des patients ne répondent pas au traitement. Des études antérieures ont suggéré que ce phénomène est en partie dû au fait que le 5-ASA peut être métabolisé en N-acetyl 5-ASA, cliniquement inefficace, par les bactéries intestinales. Dans une excellente étude, Mehta et al. ont souhaité identifier les enzymes microbiens intestinaux qui génèrent du N-acetyl 5-ASA. Les échantillons de selles humaines ont été analysés avec la multiomique. Les analyses métabolomiques non ciblées des échantillons avant et après l’administration du 5-ASA ont révélé des médiateurs microbiens potentiels des effets anti-inflammatoires du 5-ASA. Une diminution de l’acide 2-aminoadipique, un métabolite bactérien associé à un stress oxydatif plus élevé, a notamment été observée. Par ailleurs, le 5-ASA a paru altérer le métabolisme du nicotinate, ce qui pourrait également expliquer certains effets anti-inflammatoires. Les auteurs ont également cherché à identifier les enzymes microbiens qui métabolisent potentiellement le 5-ASA. En combinant la métatranscriptomique et la métabolomique, ils ont identifié trois acétyl-CoA C-acétyltransférases (Acyl-CoA NAT) qui se sont associés aux niveaux de N-acetyl 5-ASA chez les utilisateurs du 5-ASA. De plus, certaines thiolases ont été identifiés comme des enzymes candidates potentielles. Les enzymes candidates ont ensuite été exprimées de manière hétérologue chez Escherichia coli et leur activité biochimique a été mesurée. La thiolase des Firmicutes CAG:176 et l’acyl-CoA NAT de Faecalibacterium prausnitzii ont pu acétyler le 5-ASA avec les acétyl-CoA C. Enfin, une analyse métagénomique des échantillons de selles a révélé que les acétyltransférases inactivant le 5-ASA microbien intestinal étaient associés à un plus grand risque d’échec du traitement chez les utilisateurs du 5-ASA. Dans l’ensemble, les découvertes de cette étude peuvent contribuer à avancer la possibilité d’un traitement personnalisé de la MII basé sur le microbiome.
Helicobacter pylori et cancer colorectal
L’infection au Helicobacter pylori peut entraîner un cancer gastrique et augmenter le risque de cancer colorectal (CCR). Cependant, nous manquons de données mécanistes sur ce dernier. Dans cette publication, Ralser et ses collègues ont identifié dans un modèle murin les mécanismes sous-jacents de la façon dont l’infection au H. pylori contribue au CCR. Lorsque les auteurs ont infecté des souris Apc représentant d’excellents modèles animaux présentant plusieurs néoplasies intestinales avec H. pylori, une augmentation de la charge tumorale dans l’intestin grêle et le colon a été observée. Il est reconnu que la réponse immunitaire des lymphocytes T à l’hôte contribue à la carcinogenèse gastrique, c’est pourquoi les auteurs ont étudié ces réponses dans les intestins. Ils ont observé une réduction des lymphocytes T régulateurs et des lymphocytes T pro-inflammatoires, ainsi qu’une augmentation d’IL-17A, qui se révèle être l’un des acteurs principaux de la réponse immunitaire à H. pylori. Les souris infectées étaient caractérisées par une abondance plus forte de microbes intestinaux dits pro-inflammatoires et de bactéries dégradant le mucus, comme Akkermansia. En étudiant les profils transcriptomiques des cellules épithéliales intestinales, les chercheurs ont observé que H. pylori induisait l’activation des voies NF-κB et STAT3. L’activation de ces voies avait précédemment été montrée chez les patients atteints de CCR. Fait intéressant, les souris axéniques infectées avec H. pylori ont à peine montré d’activation de la signalisation STAT3, ce qui suggère que la carcinogenèse induite par H. pylori dans l’intestin grêle dépend en partie du microbiome intestinal. Enfin, les auteurs ont montré que la carcinogenèse colorectale induite par H. pylori peut être prévenue par l’éradication de la bactérie par des antibiotiques. Les auteurs concluent qu’il faut envisager de prendre en compte la présence de H. pylori pour les mesures préventives contre le CCR.
Diversité virale dans l’intestin du nourrisson sain
Dans la petite enfance, le microbiome intestinal contribue à la maturation du système immunitaire pour assurer la protection contre les maladies chroniques plus tard dans la vie. Bien qu’il soit reconnu que des bactériophages (c.-à-d., des virus infectant les bactéries) peuvent contrôler la croissance des populations de bactéries, le virome intestinal a été assez peu étudié. En utilisant le séquençage de métagénomes, cette étude a analysé 647 viromes d’une cohorte danoise de nourrissons de 1 an. La première découverte frappante a été que les vOTUS de l’intestin du nourrisson étaient largement absentes des bases de données sur les virus intestinaux. Cette donnée suggère que l’intestin du nourrisson héberge des virus spécialisés distincts de l’intestin de l’adulte. Les clades de virus les plus prédominants chez les nourrissons étaient très peu documentés. Cependant, les anellovirus à ssADN infectant les vertébrés (Anelloviridae) et les microvirus à ssADNs bactériophages (Petitvirales) se trouvaient parmi les clades les plus abondants. Par ailleurs, les familles de Caudovirales virulentes, Skunaviridae, Salasmaviridae, β-crassviridae et Flandersviridae, étaient aussi largement représentées dans le virome des nourrissons. Dans l’ensemble, les virus tempérés étaient moins répandus que les virus virulents, même s’ils étaient présents chez davantage d’enfants. L’abondance à l’échelle de la famille n’était pas significativement associée au mode de fonctionnement des phages, comme déterminé par l’intégrase en tant qu’indicateur d’un mode de fonctionnement tempéré. Cependant, les familles de caudovirales tempérées étaient génétiquement plus diversifiées que les familles virulentes. Une analyse prédictive des hôtes bactériens des viromes a montré que Bacteroides, Faecalibacterium et Bifidobacterium étaient les trois genres hôtes les plus fréquents dans l’intestin des nourrissons. Parmi ceux-ci, les familles infectant les Bacteroides étaient plus souvent virulentes et spécifiques à l’hôte. Bien qu’aucune conclusion nette n’ait été tirée, l’étude renforce les connaissances sur la taxinomie des phages et contribue au développement des futures recherches sur le virome intestinal des nourrissons.