Dysbiose intestinale : un facteur de risque d’infection par le VIH ?
La dysbiose intestinale et l’inflammation systémique constatées chez les patients atteints du VIH semblent présentes avant la séroconversion et augmenter la vulnérabilité à l’infection, révèle une récente étude américaine1. Cette perspective inattendue sur les liens entre VIH et microbiote intestinal pourrait ouvrir la voie à de nouvelles options de prévention ciblée.
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A propos de cet article
A quelques jours de la Journée Mondiale de lutte contre le SIDA le 1er décembre, retour sur les liens entre VIH et microbiote. Les études montrant l’association entre l’infection par le VIH et des modifications du microbiote intestinal (MI) sont nombreuses, mais principalement transversales et méthodologiquement hétérogènes, donc soumises à différents biais de confusion. On sait que l’infection par le VIH s’accompagne d’une dysbiose intestinale et d’une translocation bactérienne responsable d’une inflammation systémique, mais le déroulé de ces événements n’est pas totalement élucidé. De plus, des études récentes ont montré qu’au-delà de l’âge, l’alimentation ou la prise d’antibiotiques, le comportement sexuel influait aussi sur le MI quel que soit le statut sérologique2,3, brouillant davantage les pistes.
Une étude longitudinale aux biais maîtrisés
Afin de mesurer les changements se produisant au niveau du MI et des marqueurs d’inflammation lors de l’infection par le VIH, des chercheurs ont sélectionné des échantillons fécaux et sanguins provenant de quatre études longitudinales différentes (Etats-Unis, Pérou) réalisées sur des périodes de 4 mois à 2 ans auprès d’hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes. Parmi ces derniers, 27 ont été infectés par le VIH. Les échantillons des hommes infectés ont été appariés avec ceux de 28 sujets contrôles aux caractéristiques démographiques et comportementales similaires.
Des altérations du MI et des marqueurs inflammatoires précédant la séroconversion
Les chercheurs ont identifié de minimes changements dans le MI des sujets infectés par le VIH pendant la phase aiguë. Seule une augmentation de Fusobacterium mortiferum a été observée peu après la séroconversion, ainsi qu’une diminution de Prevotella intermedia dans un sous-groupe issu d’une étude nord-américaine. Les différences les plus importantes ont été constatées entre les sujets en pré-infection et les contrôles. Le microbiote intestinal des sujets en pré-infection présentaient une diminution de plusieurs espèces de Bacteroides et une augmentation Megasphaera elsdenii dans leur microbiote intestinal. Ils avaient également un taux plasmatique plus élevé de cytokines inflammatoires : facteur d’activation des lymphocytes B, IL-8, TNFα.
Le microbiote intestinal, une option de prévention ciblée ?
Selon ses auteurs, cette étude suggère que l’altération du MI préexisterait avant l’infection. Appuyée par les résultats similaires d’une autre équipe américaine4, elle indique que cette dysbiose intestinale pourrait davantage contribuer à l’infection que d’en découler, même si une dysbiose est observée ensuite au stade chronique. En effet, la période d’observation de l’étude était trop courte pour que les chercheurs puissent identifier les changements ultérieurs. D’autres limitations liées au petit nombre des participants et à leur spécificités (sexe, âge, usage de drogue, comportement sexuel…) ne permettent pas non plus la généralisation des données. Cependant, les chercheurs estiment que l’identification d’une signature intestinale de susceptibilité au VIH et/ou des marqueurs inflammatoires pourrait constituer un nouvel outil de prévention ciblée.
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- Fulcher JA, Li F, Tobin NH, et al. Gut dysbiosis and inflammatory blood markers precede HIV with limited changes after early seroconversion. EBioMedicine. 2022;84:104286
- Noguera-Julian M, Rocafort M, Guillen Y, et al. Gut microbiota linked to sexual preference and HIV infection. EBioMedicine. 2016;5:135–146.
- Armstrong AJS, Shaffer M, Nusbacher NM, et al. An exploration of Prevotella-rich microbiomes in HIV and men who have sex with men. Microbiome. 2018;6(1):198
- Chen Y, Lin H, Cole M, et al. Signature changes in gut microbiome are associated with increased susceptibility to HIV-1 infection in MSM. Microbiome. 2021;9(1):237