Dengue et Zika : protéger le moustique pour protéger l’homme
Inoculer la bactérie Rosenbergiella-YN46 dans le système digestif des moustiques : une stratégie de biocontrôle réaliste et durable pour réduire la transmission et la prévalence des flavivirus dans la nature ?
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A propos de cet article
Zika, Dengue, virus du Nil occidental, virus de la fièvre jaune : les flavivirus transmis par les moustiques provoquent des infections virales humaines potentiellement fatales. La situation s’avère d’autant plus préoccupante que le changement climatique et des phénomènes comme El Niño favorisent ces (sidenote: Maladie vectorielle Maladie où un agent pathogène est transmis à un hôte (l’homme ou l’animal) par la piqûre d'un vecteur qui peut être de différente nature (moustiques, mouches, tiques, puces, etc.). Les maladies vectorielles représentent environ 17 % de l'ensemble des maladies infectieuses dans le monde et l'OMS estime que 80 % de la population mondiale vit à risque d'au moins une maladie vectorielle. Approfondir https://www.pasteur.fr/fr/innovation/toute-actualite/actualites-innovation/comb… ) ,… et que les campagnes de démoustication ou de biocontrôle des populations montrent pour le moment des effets limités.
Quid d’opter pour une toute autre stratégie ? À savoir, modifier le microbiote de l'intestin des moustiques pour prévenir leur propre infection et donc la transmission du virus à des mammifères dont l’Homme.
Multiplié par 10
De 2000 à 2019, l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) 1 a établi que le nombre de cas de Dengue signalés dans le monde avaient été multiplié par 10, passant de 500 000 à 5,2 millions.
Après un léger recul durant la pandémie de COVID-19, une recrudescence des cas de Dengue a été observée dans le monde en 2023.
Une bactérie pour protéger le moustique… et l’homme
Dans cette étude, les chercheurs chinois 2 ont isolé 55 bactéries vivant dans le système digestif de moustiques femelles Aedes albopictus, principal vecteur de la Dengue, à partir d’insectes capturés dans le sud du Yunnan. Parmi les bactéries identifiées : Rosenbergiella YN46 (ainsi baptisée car identifiée dans le Yunnan) dont l'inoculation à la dose de 1,6 x 10 CFU protège A. albopictus des flavivirus, et ce de manière persistante.
Comment cette bactérie intestinale, présente dans le nectar des fleurs, peut-elle permettre aux moustiques A. albopictus et Aedes aegypti de résister à l'infection par les virus de la Dengue et Zika ? En sécrétant une glucose déshydrogénase qui convertit le glucose en acide gluconique et acidifie par conséquent rapidement la lumière intestinale du moustique (pH < 6,5 après un repas de sang). Or, cet environnement acide modifie de manière irréversible l’enveloppe protéique des virions de flavivirus ce qui empêche leur entrée dans les cellules épithéliales intestinales du moustique.
390 millions Avec jusqu’à 390 millions d’infections chaque année, le virus de la Dengue est le Flavivirus transmis par le moustique le plus courant dans le monde. ²
223 000 Le virus Zika a été responsable de plus de 223 000 cas confirmés dans les îles du Pacifique et en Amérique entre 2015 et 2017.²
Une stratégie efficace à grande échelle ?
Mais le travail des chercheurs ne s’est pas arrêté là. Constatant une prévalence variable de la Dengue dans le Yunnan, ils ont voulu vérifier si ce phénomène allait de pair avec une présence inégale de la bactérie. Et effectivement, la prévalence de Rosenbergiella YN46 dans le microbiote intestinal des insectes variait largement d’une préfecture à l’autre : elle s’avère davantage présente dans les systèmes digestifs des moustiques des préfectures de Wenshan (91,7 %) et Pu’er (52,9 %) où ne sont rapportés que quelques cas isolés de Dengue ; à l’inverse, elle est rare chez les moustiques des préfectures de Xishuangbanna (6,7 %) et de Lincang (0 %), où la Dengue est endémique.
Des expériences complémentaires sous abris laissent espérer un possible (sidenote: biocontrôle Le biocontrôle est un moyen efficace et respectueux de l'environnement permettant de réduire ou d'atténuer les ravageurs et leurs effets grâce à l'utilisation d'ennemis naturels. Approfondir https://www.sciencedirect.com/journal/biological-control ) : de l’eau sucrée additionnée de la bactérie suffit à contaminer les insectes et la bactérie se transmet efficacement de manière (sidenote: Transmission transstadiale Le vecteur (ici, le moustique) conserve un agent (ici, le flavivirus) dans son organisme lors du passage d'un stade de développement à un autre (ici, du passage du stade de larve aquatique à l’adulte ailé). Approfondir Źródło ) et au fil des générations de moustiques.
Dès lors, l’introduction de la bactérie Rosenbergiella YN46 dans l’habitat aquatique des larves ou l’importation d’adultes déjà porteurs de la bactérie pourrait réduire la transmission de la Dengue dans les zones endémiques.