Schizophrénie et comportement agressif : quelle implication du microbiote intestinal ?
Chez les adultes schizophrènes, un phénotype pro-inflammatoire, un stress oxydant, une dysbiose et une perméabilité intestinale seraient associés au comportement agressif. De quoi envisager de futures thérapies microbiennes ou anti-inflammatoires ?
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A propos de cet article
La schizophrénie touche 1 % de la population adulte, en particulier les jeunes adultes. Cette maladie psychiatrique multiplierait la propension à l’agressivité sans que l’on sache réellement pourquoi. Néanmoins, quelques pistes se dessinent, impliquant le microbiote intestinal et une possible translocation bactérienne en cas de perte d’étanchéité de la muqueuse intestinale. Suivant cette hypothèse, une récente étude a profilé la diversité et composition du microbiote intestinal, certains (sidenote: Acides Gras à Chaîne Courte (AGCC) Les acides gras à chaîne courte sont une source d’énergie (carburant) des cellules de l’individu, ils interagissent avec le système immunitaire et sont impliqués dans la communication entre l’intestin et le cerveau. Silva YP, Bernardi A, Frozza RL. The Role of Short-Chain Fatty Acids From Gut Microbiota in Gut-Brain Communication. Front Endocrinol (Lausanne). 2020;11:25. ) fécaux (acides gras à chaîne courte) et neurotransmetteurs de 50 patients schizophrènes dont 25 avaient des comportements agressifs. Objectif : comprendre le lien entre l’inflammation, l’oxydation, la perméabilité intestinale et le microbiote chez des patients schizophrènes ayant des comportements agressifs.
Un phénotype inflammatoire…
Les résultats montrent que les patients schizophrènes à tendance agressive présentaient des taux largement accrus de biomarqueurs sériques d'oxydation des acides nucléiques et des lipides, comparativement aux patients schizophrènes non agressifs. Ces réponses pro-oxydative et pro-inflammatoire étaient liées à la sévérité de l'agression, suggérant une co-implication de l’inflammation systémique et de l’oxydation dans le développement de l'agressivité chez les schizophrènes.
1% de la population mondiale souffre de schizophrénie.
facteur 4 à 7 La schizophrénie peut multiplier par un facteur 4 à 7 la propension à l’agressivité.
… doublé d’une dysbiose bactérienne
Les patients schizophrènes à tendance agressive affichaient en outre une bien moindre diversité bactérienne. Cette dysbiose intestinale semble ainsi corrélée à l'étiologie ou à la gravité de l'agressivité chez les individus schizophrènes, sans que l’on puisse conclure pour autant à une relation causale.
De plus, l'abondance du genre Prevotella était significativement augmentée, tandis que Bacteroides, Faecalibacterium, Blautia, Bifidobacterium, Collinsella et Eubacterium coprostanoligenes étaient largement appauvris dans le groupe de patient à tendance agressive. Cette modification allait de pair avec des réductions importantes de certains métabolites, même si les auteurs ne peuvent établir de lien de cause à conséquence : 6 AGCC fécaux (acides acétique, propanoïque, butyrique, isobutyrique, isovalérique et isohexanoïque) et 6 neurotransmetteurs (5-hydroxytryptophane, lévodopa, chlorhydrate de noradrénaline, chlorhydrate d’adrénaline, acide kynurénique et histidine) s’avéraient beaucoup moins présents chez les patients ayant des comportements agressifs.
Une hypothèse à confirmer
Considérant ces résultats dans leur ensemble, les auteurs émettent l'hypothèse que le phénotype pro-inflammatoire systémique précédemment constaté chez les schizophrènes à tendance agressive impliquerait des altérations du microbiote intestinal et de ses métabolites, une hyper-perméabilité de la paroi intestinale permettant aux bactéries intestinales de rejoindre la circulation générale en entrainant un stress oxydatif, lié à la sévérité du caractère agressif. Ainsi, l’hyper-inflammation aurait conduit, via le microbiote intestinal, à l’hyper-oxydation et in fine à l’agressivité. Une hypothèse qui reste encore à valider dans des études à plus large échelle.