Focus sur le gut summit 2019
Retour de congrès
Par le Pr. Francisco Guarner
Unité de recherche sur le système digestif, Hôpital université Vall d’Hebron, Barcelone, Espagne
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A propos de cet article
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Lors de sa 8e édition en mars dernier, le Gut Microbiota for Health World Summit 2019 a accordé une place prépondérante à l’alimentation et à la façon dont elle interagit avec le microbiome intestinal, en prévenant ou en favorisant les maladies.
Alimentation et microbiome intestinal
L’alimentation est un élément essentiel des interactions symbiotiques entre les microbes intestinaux et l’hôte. Elle est considérée comme l’un des principaux facteurs qui façonnent le microbiote intestinal tout au long de la vie, selon la revue réalisée par Jack A. Gilbert (UC, San Diego), Susan Devkota (Cedars-Sinai, Los Angeles) et Lipping Zhao (Rutgers, New Jersey). Les aliments apportent de nombreux substrats pour le métabolisme microbien et le microbiote digestif est une usine chimique qui synthétise les métabolites importants pour la santé humaine. Les macro- et micronutriments influencent la structure et les fonctions de l’écosystème microbien intestinal. De fait, l’alimentation se trouve être le facteur d’impact le plus important dans la construction d’une composition microbienne partagée chez l’homme [1].
Les données déclaratives des participants au projet American Gut en matière d’alimentation [2] suggèrent que le nombre d’espèces végétales uniques consommées est en rapport avec la diversité microbienne plutôt qu’avec les données déclaratives des participants telles que « végétarien » ou « omnivore ». Une diversité microbienne plus élevée et une abondance plus grande d’espèces productrices d’acides gras à chaîne courte (AGCC) ont été relevées chez les sujets consommant plus de 30 types de plantes par semaine comparativement aux sujets consommant moins de 10 types de plantes par semaine. Le métabolome fécal était également différent entre les deux groupes. De plus, les sujets consommant plus de 30 types de plantes présentaient une abondance de gènes de résistance aux antibiotiques significativement moindre par rapport aux sujets consommant au maximum 10 plantes.
La dysbiose intestinale est un état définissable ayant des implications mécaniques. Elle ne correspond pas à un simple changement de la diversité microbienne mais à une rupture de l’équilibre réciproque entre le microbiote et l’hôte, dans laquelle une alimentation inadéquate joue un rôle délétère. En cas d’homéostasie, le métabolisme des colonocytes est orienté vers une phosphorylation oxydative, entraînant une consommation épithéliale d’oxygène élevée. L’hypoxie épithéliale qui en résulte contribue à maintenir une communauté microbienne dominée par les anaérobies obligatoires, lesquels se révèlent bénéfiques par la conversion des fibres en produits de fermentation (AGCC) absorbés par l’hôte. Les facteurs modifiant le métabolisme de l’épithélium, telles qu’une alimentation pauvre en fibres, augmentent l’oxygénation épithéliale, entraînant ainsi un accroissement des anaérobies facultatifs, un élément caractéristique de la dysbiose colique [3]. Ce changement de composition, commun à de nombreuses maladies chroniques chez l’homme, pourrait être associé au dysfonctionnement des colonocytes. Comme l’a souligné Susan Devkota, en cas de choix d’un régime alimentaire strict ou extrême, la consommation de fibres mixtes peut soutenir le microbiote et prévenir les carences en nutriments.
La « guilde des fondateurs »
Lipping Zhao a souligné que nos ancêtres consommaient beaucoup plus de fibres alimentaires que nous. La réduction des apports en fibres et la diminution de la prévalence des bactéries productrices d’AGCC pourraient expliquer de nombreuses maladies chroniques telles que le diabète de type 2. Dans un essai interventionnel, contrôlé et randomisé, conduit chez des patients chinois atteints de diabète de type 2 [4], des apports élevés en diverses fibres alimentaires (régime WTP) ont favorisé de manière sélective l’abondance d’un groupe de souches productrices d’acide acétique et d’acide butyrique dans l’intestin. Le régime WTP repose sur la consommation de céréales complètes, d’aliments médicinaux traditionnels chinois et de prébiotiques. Le régime WTP a amélioré l’homéostasie du glucose en réduisant l’hémoglobine glyquée, la glycémie à jeun et l’hyperglycémie provoquée par voie orale.
L’abondance des producteurs d’AGCC dans les selles correspondait aux résultats métaboliques et aux taux sanguins de glucagon-like peptide-1 et de peptide YY, qui induisent la sécrétion d’insuline. En outre, la réduction du pH fécal par la production d’AGCC a été associée à l’inhibition des bactéries délétères qui favorisent l’inflammation et suppriment la production de glucagon-like peptide-1. En plus de fournir des AGCC qui sont directement bénéfiques pour l’hôte, ce groupe de producteurs d’AGCC a exercé des fonctions écologiques importantes dans le microbiote intestinal. Lipping Zhao a suggéré qu’il agit comme une « guilde des fondateurs » pour structurer le microbiote intestinal sain. Pour aider les patients à récupérer un microbiote intestinal sain, « cette guilde des fondateurs doit être réinoculée et rétablie », a-t-il précisé.
FODMAPs et SII
Selon la revue réalisée par Magnus Simren (Université de Göteborg), le régime pauvre en oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides et polyols fermentescibles (fermentable oligosaccharides, disaccharides, monosaccharides and polyols, FODMAPs) est désormais recommandé par près de 85 % des médecins dans le traitement des troubles fonctionnels intestinaux. Les essais cliniques suggèrent que certains patients ont une réponse favorable à court terme à un régime pauvre en FODMAPs, mais il n’est pas certain que ce conseil diététique soit nettement meilleur que le traitement diététique de première intention du SII. En particulier, l’utilisation à court terme du régime pauvre en FODMAPs a été associé à des changements potentiellement défavorables de la composition du microbiote intestinal, notamment une réduction des espèces participant à la fermentation (Bifidobacterium, Faecalibacterium et Clostridium cluster XIVa) et une augmentation des scores à l’indice de dysbiose [5].
Un essai contrôlé randomisé a comparé les effets du régime pauvre en FODMAPs et des galacto-oligosaccharides (GOS) prébiotiques sur la composition du microbiote intestinal [6]. Les évolutions du microbiote fécal ont été différentes entre les deux groupes après une période de 4 semaines de traitement, notamment au niveau des bifidobactéries (augmentation dans le groupe prébiotique et diminution dans le groupe pauvre en FODMAPs) et Bilophila wadsworthia (profil opposé). Malgré ces effets différents sur le microbiote, les réductions des symptômes ont été très similaires dans les deux groupes. Il est intéressant de noter que la diminution des symptômes a persisté pendant le suivi de 2 semaines après l’arrêt de la consommation de prébiotiques, alors que les symptômes sont réapparus immédiatement après l’arrêt du régime pauvre en FODMAPs. La modulation du microbiote intestinal comme stratégie thérapeutique dans le SII semble prometteuse, mais son innocuité à long terme est un paramètre à prendre en compte. Les régimes qui réduisent les symptômes mais détériorent la santé intestinale (et la santé en général sur le long terme) ne doivent pas être le premier choix.
Prévention de la septicémie du nouveau-né : les symbiotiques à l’essai
La septicémie dans la petite enfance est responsable d’un million de décès par an dans le monde, la majorité d’entre eux se produisant dans les pays en voie de développement. Pinaki Panigrahi a présenté une étude interventionnelle pour prévenir la septicémie chez le nourrisson dans l’Inde rurale [7]. Une préparation symbiotique orale (Lactobacillus plantarum plus fructo-oligosaccharides) a réduit les septicémies et les décès de manière significative chez les nouveau-nés (rapport de risque : 0,60 ; intervalle de confiance à 95 % : 0,48–0,74).
Conclusion
Ce résultat suggère qu’une grande partie des septicémies néonatales dans les pays en développement pourraient être évitées grâce à un traitement probiotique-prébiotique.