Retour sur les principales contributions autour du microbiote intestinal
Retour de congrès
Par le Dr Dragos Ciocan
Hépato-gastroentérologie et nutrition, Hôpital Antoine-Béclère, Clamart, France
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Chapitres
A propos de cet article
Les Journées francophones d’hépatogastroentérologie et d’oncologie digestive ont eu lieu à Paris entre le 21 et le 24 mars 2019 et ont réuni plus de 5 000 médecins et chercheurs francophones. Plusieurs études originales sur le microbiote intestinal (MI) ont été présentées lors de ce congrès.
La transplantation fécale
La transplantation de microbiote fécal (TMF) est une stratégie thérapeutique qui n’est actuellement utilisée en pratique clinique que pour les infections récidivantes à Clostridium difficile [1]. Le Dr Eymeric Chartrain a présenté l’expérience du centre référent du CHU de Clermont- Ferrand sur la TMF dans l’infection récidivante à Clostridium difficile entre 2014 et 2018. Le taux d’efficacité de la TMF était de 95 % et avec seulement 16 % d’effets secondaires mineurs. De plus, il y avait une amélioration significative de la qualité de vie à 6 mois post-TMF. Le coût total d’une TMF était d’environ 3 100 euros. Malgré ce coût élevé, la TMF permet de réduire les coûts de santé en diminuant la morbi-mortalité de ces patients et reste une option rationnelle et efficace.
Le rôle de la TMF est étudié dans de nombreuses pathologies impliquant le MI, dont les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI). Le Pr Harry Sokol a présenté les résultats d’un petit essai pilote randomisé (17 patients), en simple aveugle, contre placebo, qui a évalué le rôle de la TMF chez des adultes ayant une maladie de Crohn colique ou iléo-colique au cours d’une poussée, et traités par corticothérapie orale. Le critère d’évaluation principal qui a été l’implantation du MI du donneur chez le receveur à la semaine 6, défini par le MI du receveur à la semaine 6 plus proche du donneur (indice Sorensen ≥ 0,6) que du patient avant TMF, n’a pas été atteint. Cependant, parmi les critères de jugement secondaires évalués, les auteurs ont observé une diminution de la gravité endoscopique de la maladie dans le groupe TMF et une augmentation de l’inflammation dans le groupe contrôle. La colonisation par le MI du donneur était associée au maintien de la rémission, et les patients n’ayant pas été colonisés par le MI du donneur rechutaient plus vite. De plus, la composition du MI était prédictive d’une rémission clinique sans stéroïde. Malgré le petit effectif, cette étude suggère que la TMF pourrait être efficace après induction de la rémission clinique par corticoïdes chez des patients souffrant d’une maladie de Crohn en poussée. Plusieurs essais plus amples, dont un mené par l’équipe du Pr Sokol, sont en cours.
Les entérobactéries modulent les effets des champignons dans la colite
Si le rôle du MI bactérien et fongique est connu dans les MICI, ceux des interactions entre bactéries et champignons dans l’inflammation le sont moins. Le Dr Bruno Sovran a présenté une étude qui s’est justement intéressée à ces interactions dans un modèle de colite chez la souris. Les auteurs ont observé que l’administration d'une souche de Saccharomyces améliorait la colite, alors que l’administration de Candida albicans avait un effet aggravant. Cependant, un traitement préalable par colistine, qui détruit les bactéries à gram négatif (dont les protéobacteries) induisait la perte des effets des champignons. L’administration d’une souche d’E. coli résistante à la colistine qui restaurait le niveau d’entérobactéries chez les souris traitées par colistine permettait également de rétablir les effets bénéfiques d'une souche de Saccharomyces et les effets délétères de C. albicans sur la sévérité de la colite. Ces résultats suggèrent que les entérobactéries sont nécessaires pour une meilleure colonisation intestinale des champignons et pourraient expliquer les effets de certains probiotiques dans la colite [2].
L’axe intestin-cerveau dans l’obésité
Le rôle du MI dans la physiopathologie de l’obésité est maintenant bien reconnu. Le MI peut également moduler les fonctions cognitives et psychiques à travers l’axe intestin- cerveau [3]. L’obésité est un facteur de risque de troubles cognitifs, indépendamment des comorbidités, mais les mécanismes sont peu connus. L’étude MEMOB présentée par le Dr Sophie Cambos s’est intéressée aux dysfonctions mnésiques chez des patients obèses, et à leur corrélation au MI. Cet essai prospectif, longitudinal, monocentrique, a inclus des sujets obèses et des sujets normopondéraux. Elle a montré que les sujets obèses avant chirurgie bariatrique présentaient des dysfonctions mnésiques en comparaison à une population témoin. L’analyse du profil microbien a mis en évidence un lien entre l’abondance d’Eggerthellales et les fonctions mnésiques : plus l’abondance d’Eggerthellales est importante, moins bons sont les résultats mnésiques. Ces résultats suggèrent que l’obésité – et donc les altérations du microbiote intestinal associées – pourraient accélérer le déclin cognitif via l’axe intestin-cerveau.
Microbiote et foie
Un atelier Biocodex intitulé « Microbiote et foie, du mécanisme au traitement » s’est déroulé durant le congrès. Le Pr Gabriel Perlemuter a passé en revue les dernières avancées en ce qui concerne le rôle du MI dans les maladies du foie. Parmi les études récentes les plus marquantes, on peut noter le rôle du MI dans la susceptibilité de développer une maladie alcoolique du foie ou une hépatopathie dysmétabolique lors de la consommation des inhibiteurs de la pompe à protons. Ces produits induisent une augmentation d’Enterococcus au niveau du MI et qui se traduit par une augmentation de la translocation de cette bactérie au niveau du foie, où elle induit une inflammation hépatique [4]. Plusieurs études-pilotes se sont également intéressées au rôle de la TMF dans les maladies hépatiques (hépatite B, encéphalopathie hépatique et hépatite alcoolique aiguë sévère cortico- résistante) et ont montré une certaine efficacité dans ces indications.
Le Dr Anne-Marie Cassard a évoqué la modulation du MI en cas de maladies du foie. Elle a présenté les résultats de son équipe montrant que des niveaux bas de Bacteroides sont associés au développement des lésions hépatiques liées à l’alcool. Le fait de corriger cette perturbation du MI par l’administration de pectine, une fibre soluble, permet de prévenir et d’améliorer les lésions de MAF [5]. Cependant, toutes les fibres n’induisent pas les mêmes modifications du MI, même si l’effet bénéfique sur l’hôte reste le même. De plus, parmi les différentes stratégies étudiées qui ciblent le MI et qui ont montré une certaine efficacité au niveau des lésions hépatiques (antibiotiques, TMF, probiotiques et prébiotiques), seuls les antibiotiques et la TMF permettent de modifier durablement le MI.
Conclusion
De plus, parmi les différentes stratégies étudiées qui ciblent le MI et qui ont montré une certaine efficacité au niveau des lésions hépatiques (antibiotiques, TMF, probiotiques et prébiotiques), seuls les antibiotiques et la TMF permettent de modifier durablement le MI.