UEGW 2020
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Par le Pr Magnus Simrén
Département de Médecine moléculaire et clinique, Institut de Médecine Académie Sahlgrenska, Université de Göteborg, Göteborg, Suède
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A propos de cet article
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En raison de la pandémie qui sévit actuellement, l’édition 2020 du congrès UEG Week s’est tenue pour la première fois en mode virtuel. Mais comme les années précédentes, cet événement a été l’occasion de présenter de nombreux abstracts de qualité, dont une grande partie était consacrée au rôle des micro-organismes dans la santé et la maladie.
Microbiote, facteurs liés à l’environnement et à l’hôte dans la santé et la maladie
Le microbiote intestinal a été associé à un grand nombre de maladies, mais on n’a toujours pas défini clairement ce qu’est un microbiote « sain » ou « malade ». Une vaste étude néerlandaise en population (OP178 R Gacesa et al.) a mis en évidence l’existence de profils microbiens communs entre différentes maladies (notamment les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin [MICI], le syndrome de l’intestin irritable [SII], l’asthme, le diabète et les troubles mentaux), permettant ainsi de définir des groupes de fonctions et de micro-organismes intestinaux liés à la santé et à la maladie. En effet, le microbiote associé aux maladies était caractérisé par une augmentation significative de la prévalence et de l’abondance de pathogènes opportunistes des genres Clostridium, Gordonibacter et Eggerthella, par une réduction du catabolisme des glucides et de la synthèse des acides aminés et des vitamines, et par une augmentation de la synthèse des acides gras à chaîne longue. Le microbiote sain montrait quant à lui une abondance importante de bactéries commensales productrices de butyrate des genres Alistipes, Roseburia, Faecalibacterium et Butyrivibrio. Les auteurs ont également montré que le microbiote était principalement façonné par l’environnement et le mode de vie, et ils ont donc conclu que l’on peut promouvoir la modulation du microbiote par le biais de l’amélioration du régime alimentaire, du mode de vie et de l’environnement ainsi que de l’utilisation de probiotiques pour améliorer la santé. Une étude de suivi longitudinale (OP201 L Chen et al.) a également montré que les variations microbiennes au cours du temps semblaient déterminées par les expositions environnementales et pouvaient avoir un impact sur la santé métabolique de l’hôte.
Le microbiote dans les maladies intestinales
La restriction de la consommation de lactose constitue la pierre angulaire du traitement des troubles gastro-intestinaux (GI) chez les sujets présentant une malabsorption du lactose en raison d’un déficit en lactase. Cependant, les symptômes intestinaux tels que les flatulences, les ballonnements et les diarrhées qui surviennent après l’ingestion de lactose chez ces sujets sont de sévérité très variable, pour une raison encore indéterminée. Des analyses du Dutch Microbiome Project (OP177 MDF Brandao Gois et al.) ont permis de démontrer que le microbiote intestinal servait vraisemblablement de médiateur entre l’ingestion de produits laitiers et la survenue des symptômes intestinaux chez les sujets présentant un déficit en lactase, avec un rôle potentiel du genre Bifidobacterium. La modulation de la composition du microbiote intestinal pourrait donc avoir un impact sur la sensibilité aux produits laitiers chez les sujets présentant une malabsorption du lactose.
Bien que l’on n’ait pas encore déterminé exactement les mécanismes expliquant les symptômes GI liés à l’alimentation chez les patients atteints d’un SII, différents ajustements alimentaires permettent d’améliorer les symptômes GI dans des sous-groupes de patients. Une analyse post-hoc d’un essai clinique précédemment publié (P0786 E Colomier et al.) a mis en évidence des profils de facteurs psychologiques, nutritionnels et microbiens pouvant prédire la réponse à la fois au régime traditionnel basé sur les recommandations du NICE (National Institute for Health and Care Excellence) pour le SII et au régime pauvre en oligo-, di-, monosaccharides et polyols fermentescibles (FODMAP, Fermentable Oligo-, Di-, Monosaccharides, and Polyols) pour des symptômes spécifiques. Cela montre qu’il sera possible, dans un avenir proche, de personnaliser les conseils en matière de traitement alimentaire dans le SII.
Les micro-organismes intestinaux et leurs métabolites sont impliqués dans la physiopathologie d’un certain nombre de maladies intestinales, dont le SII et les MICI, comme le montrent plusieurs abstracts présentés au congrès UEG Week 2020. Dans les MICI, une vaste étude de cohorte a confirmé la présence d’une dysbiose intestinale dans la rectocolite hémorragique (RCH) et la maladie de Crohn (MC) (OP002 A Vich Vila et al.), et elle a montré que celle-ci se répercutait sur le profil métabolique fécal qui pourrait alors servir de biomarqueur pour faire la distinction entre une MICI et une absence de MICI et entre la RCH et la MC. En effet, les métabolites liés à la synthèse des sphingolipides étaient plus nombreux dans les MICI, alors qu’on observait une diminution des métabolites acides gras. Une étude de preuve du concept (OP045 L Oliver et al.) a également montré qu’une combinaison de quatre marqueurs microbiens (Faecalibacterium prausnitzii et l’un de ses phylogroupes (PHG-II), Ruminococcus sp. et Methanobrevibacter smithii) pouvait prédire la réponse au traitement anti-TNF avec une valeur prédictive positive de 100 % et une valeur prédictive négative de 75 %. Cela montre que, dans un avenir proche, les analyses du microbiote pourront être utilisées pour personnaliser le traitement dans les MICI. Le rôle du microbiote intestinal dans le SII a été souligné dans plusieurs abstracts, notamment dans une étude confirmant les effets positifs à long terme de la transplantation de microbiote fécal dans le SII (OP059 M El-Salhy et al.), qui a été associée à des modifications du profil des bactéries et acides gras à chaîne courte fécaux et à une augmentation des cellules entéroendocrines (P0783 M El Salhy et al.). Une autre étude a également mis en évidence l’existence d’un profil microenvironnemental intestinal distinct dans le SII en lien avec le trouble du transit prédominant du patient (P0651 C Iribarren et al.), la distinction entre les sujets atteints du SII et les sujets sains et entre les sous-types de SII (SII avec diarrhée versus SII avec constipation) étant principalement déterminée par les métabolites impliqués notamment dans le métabolisme des acides aminés et certaines fonctions cellulaires et moléculaires. Il semble donc que l’action des micro-organismes soit plus importante que la composition en tant que telle. Des abstracts ont également porté sur les modèles animaux pertinents dans la physiopathologie du SII. Ces études ont souligné l’importance du microbiote intestinal dans le développement des interactions anormales entre le cerveau et l’intestin (P0052 M Constante et al.), ainsi que le rôle du stress dans l’induction de la dysbiose intestinale et de l’hypersensibilité viscérale (OP056 C Petitfils et al.). Ces études sont essentielles pour nous permettre de mieux comprendre les interactions intestin-cerveau dans le SII et le rôle des micro-organismes intestinaux et de leurs métabolites dans ces interactions, et s’inscrivent parfaitement dans la démarche de qualifier désormais le SII et les autres troubles GI fonctionnels de « troubles des interactions intestin-cerveau ».
Le microbiote dans les maladies extraintestinales
Pour finir, des études sur le microbiote intestinal dans les maladies extra-intestinales ont également été présentées. Des altérations du microbiote intestinal ont été mises en évidence chez des greffés rénaux et hépatiques (OP180 JC Swarte et al. et OP112 y Li et al.). Les patients souffrant d’insuffisance rénale terminale étaient caractérisés par une faible diversité microbienne intestinale et une richesse accrue en facteurs de virulence et en gènes de résistance aux antibiotiques. La diversité microbienne a encore diminué après la transplantation rénale et la composition du microbiote intestinal ne s’est pas rétablie. En outre, les médicaments immunosuppresseurs ont eu un effet majeur sur la composition du microbiote intestinal. Les auteurs ont concédé que ces modifications pourraient avoir des implications importantes pour le devenir de la transplantation rénale. Des observations similaires concernant la diversité microbienne, la composition du microbiote intestinal et l’effet des immunosuppresseurs ont également été faites chez les transplantés hépatiques et étonnamment, la diversité microbienne a été associée à la survie post-transplantation, ce qui pourrait en faire un biomarqueur ou une cible thérapeutique.
En résumé, les abstracts présentés à l’édition 2020 du congrès UEG Week montrent clairement que le microbiote intestinal joue un rôle très important dans plusieurs maladies et dans la santé. La meilleure compréhension du rôle des micro-organismes intestinaux et de leurs métabolites dans différentes maladies a un impact important sur la prise en charge aujourd’hui et son influence sera encore plus grande dans un avenir proche.