Les infections génitales basses liées à une dysbiose
Contrairement au microbiote urinaire ou à de nombreux autres microbiotes, le microbiote vaginal gagne à afficher une faible diversité et à être largement dominé par quelques lactobacilles. Une dysbiose remettant en question cette prédominance est associée aux infections génitales basses (vaginose bactérienne, candidose vulvovaginale).
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Chapitres
A propos de cet article
UN MICROBIOTE VAGINAL SAIN : PEU DE DIVERSITÉ ET DOMINÉ PAR DES LACTOBACILLES
Le microbiote vaginal comprend majoritairement des lactobacilles aux effets protecteurs. Malgré une forte variabilité d’une femme à l’autre, généralement 5 types de communautés ont été décrits, selon qu’elles sont dominées par Lactobacillus crispatus, par L. gasseri, par L. iners ou par L. jensenii, ou à l’inverse avec peu ou pas de lactobacilles et une quantité importante de bactéries anaérobies strictes (Megasphera, Prevotella, Gardnerella et Sneathia) connues pour être caractéristiques de la vaginose bactérienne8.
Ainsi, alors qu’un nombre élevé de communautés microbiennes signe la bonne santé de nombreux microbiotes (digestifs, etc.), le microbiote vaginal est équilibré lorsque sa diversité est faible et dominée par une ou quelques espèces de lactobacilles au sein de la communauté bactérienne du vagin. Chez la femme en âge de procréer, les hormones favoriseraient la prolifération des lactobacilles : les niveaux d’œstrogènes induisent le dépôt sur les parois vaginales d’importantes quantités de glycogène, principale source d’énergie des lactobacilles8. Ainsi, de l’adolescence à la ménopause, les niveaux élevés d’œstrogènes favorisent la colonisation vaginale par les lactobacilles qui métabolisent le glycogène, produisent de l’acide lactique et maintiennent une santé intravaginale en y abaissant le niveau de pH.
Le microbiote vaginal est équilibré lorsque sa diversité est faible et dominée par une ou quelques espèces de lactobacilles
VAGINOSE BACTÉRIENNE : QUAND G. VAGINALIS CHASSE LES LACTOBACILLES
Malgré plus de 60 ans de recherche, l’étiologie de la VB reste inconnue. Néanmoins, la piste de la dysbiose semble se dessiner, selon laquelle les lactobacilles dominants seraient remplacés par une flore polymicrobienne issue de nombreux genres bactériens (Gardnerella, Atopobium, Prevotella...) : G. vaginalis est en effet présent chez 90 % des sujets symptomatiques et 45 % des sujets normaux ; à l’inverse, Lactobacillus sp. est présent chez 70 % des sujets manifestement en bonne santé et 40 % des sujets symptomatiques9. Ainsi, G. vaginalis a été suspectée d’être l’agent pathogène principal de la VB. Mais la controverse a longtemps subsisté10 : cette bactérie virulente était aussi retrouvée chez les femmes vierges et des femmes sexuellement actives présentant un microbiote vaginal normal ; sa colonisation ne conduit pas toujours à une VB.
Une voie d’explication récente pourrait mettre fin aux débats : il n’existe pas une mais au moins 13 espèces différentes du genre Gardnerella, dont certaines pourraient être non pathogènes. Un mécanisme de mise en place de la dysbiose a même été suggéré10 : G. vaginalis, transmis sexuellement, s’insinuerait entre les lactobacilles vaginaux sains, tels que L. crispatus, initiant la formation d’un biofilm, structure qui protège davantage le pathogène de l’H2O2 et de l’acide lactique sécrétés par les lac- tobacilles ; en réduisant le potentiel redox du microbiote vaginal, G. vaginalis réduirait progressivement la population de lactobacilles au profit de bactéries anaérobies strictes comme P. bivia et A. vaginae ; G. vaginalis et P. bivia favoriseraient chacune le développement de l’autre, la première fournissant des acides aminés à la seconde, la seconde de l’ammoniaque à la première ; enfin, les deux pathogènes produiraient une enzyme détruisant le mucus de l’épithélium vaginal, facilitant l’adhésion de différentes bactéries associées à une VB comme A. vaginae et potentiellement une infection polymicrobienne.
Le microbiote vaginal joue également un rôle important dans le maintien de la santé vaginale et la protection de l’hôte contre l’acquisition et la transmission de maladies sexuellement transmissibles.
CANDIDOSE VULVOVAGINALE : UNE PROLIFÉRATION DES CANDIDA
La candidose vulvovaginale (CVV) pourrait être liée à un déséquilibre du microbiote vaginal accompagné d’une prolifération du champignon Candida, dont C. albicans dans 80 % à 92 % des cas11, et dans une moindre mesure C. glabrata, C. tropicalis, C. parapsilosis et C. krusei12. Parmi les facteurs déclenchants, l’exposition aux antibiotiques, qu’elle soit locale ou systémique, serait l’une des principales causes de la CVV13. La réduction de certaines espèces bactériennes, lactobacilles ou non, contrôlant la réplication et la virulence du champignon pourrait per- mettre aux levures Candida déjà présent au niveau vaginal de se multiplier et d’induire une infection11,13. De futures études impliquant les nouvelles technologies de séquençage sont nécessaires pour caractériser plus en détail l’interaction entre le microbiote vaginal, ces levures et la survenue de la CVV et de sa récurrence.
UN MICROBIOTE VAGINAL SAIN, REMPART CONTRE LES MST
Le microbiote vaginal joue également un rôle important dans le maintien de la santé vaginale et la protection de l’hôte contre l’acquisition et la transmission de maladies sexuellement transmissibles. Ainsi, alors qu’un microbiote vaginal limité à un nombre restreint de communautés dominées par les lactobacilles (et en particulier Lactobacillus crispatus) est celui le plus associé à la santé vaginale, une augmentation de la diversité semble aller de pair avec une moindre résilience au déséquilibre et une sensibilité accrue aux MST. Et ce, qu’il s’agisse de l’herpès (la vaginose bactérienne augmentant le risque d’herpès et inversement), du papillomavirus (augmentation de la prévalence, des probabilités de contracter le HPV, d’élimination retardée, de sévérité supérieure de la dysplasie intraépithéliale cervicale), du HIV (risques augmentés d’acquisition et de transmission), et d’infections (gonorrhée, chlamydia, trichomonase)14.