Hépatite alcoolique : E. faecalis responsable
La bactérie intestinale E. faecalis, qui migre vers le foie en présence d’alcool, produirait une toxine aggravant l’hépatite alcoolique. Un bactériophage ciblant spécifiquement cette bactérie fait disparaître l’inflammation et les lésions hépatiques.
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A propos de cet article
L’hépatite alcoolique est la forme la plus sévère des pathologies du foie liées à l’alcool : la mortalité atteint 20 à 40 % entre 1 et 6 mois. Si l’on savait que le microbiote intestinal peut favoriser les maladies du foie induites par l'éthanol chez la souris, les facteurs microbiens responsables de ce processus étaient encore flous. D’où l’intérêt de ces résultats publiés dans Nature sur le rôle du microbiote dans la transmission et de la progression de la maladie.
E. faecalis, sécrétrice de cytolysine
Les travaux montrent que les patients ayant une hépatite alcoolique présentent une composition microbienne fécale spécifique, avec notamment 2 700 fois plus d’Enterococcus faecalis, une bactérie présente dans les selles de 80 % des patients. Or, certaines de ces bactéries, dites « cytolitiques », produisent une exotoxine, la cytolysine, qui agit non seulement contre les bactéries Gram+, mais aussi contre les cellules eucaryotes. Ainsi, la présence d'E. faecalis cytolytiques semble corrélée à la gravité de la maladie hépatique et à la mortalité des patients.
De la cytolysine aux lésions hépatiques
Le gavage de souris, soumises à un régime riche en éthanol (ou à un régime isocalorique témoin sans éthanol), avec soit des souches d'E. faecalis cytolytiques, soit des souches non-cytolytiques, confirme qu’E. faecalis cytolytique induit davantage de lésions hépatiques, de stéatose et d’inflammation et un décès plus rapide. Cette bactérie est d’ailleurs retrouvée dans le foie de toutes les souris soumises à un régime avec de l’alcool, mais pas dans le foie des souris témoins, suggérant que l’éthanol est nécessaire à la translocation d’E. faecalis de l’intestin vers le foie.
Un bactériophage protecteur
Les chercheurs ont ensuite étudié les effets thérapeutiques d’un bactériophage ciblant E. faecalis cytolytique sur des souris gavées de souches d’E. faecalis responsables de stéatose hépatiques : les bactériophages diminuent les niveaux de cytolysine dans le foie des rongeurs et suppriment leurs lésions hépatiques induites par l'éthanol. Enfin, les chercheurs ont étudié des souris colonisées cette fois par les bactéries des selles de patients atteints d'hépatite alcoolique. L’administration de bactériophages supprime l’apparition de lésions hépatiques et de la stéatose, et induit une réduction des Enteroccoccus.
Un futur traitement ?
Non seulement ces résultats établissent un lien entre la bactérie E. faecalis cytolytique et la gravité et mortalité de l'hépatite alcoolique, mais ils montrent aussi qu’un bactériophage peut cibler spécifiquement la bactérie et offrir une alternative aux antibiotiques. Néanmoins, des études cliniques demeurent nécessaires pour valider que la cytolysine peut être un biomarqueur chez l’Homme, et pour vérifier que les bactériophages représentent une approche thérapeutique sûre et efficace.