Antibiotiques : le mycobiote des nourrissons sous influence
Un seul traitement antibiotique suffirait à altérer durablement le mycobiote des nourrissons. Comment ? Sans doute via le microbiote bactérien. Avec à la clé de possibles effets à long terme sur leur santé. Explications.
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A propos de cet article
On savait que les bactéries intestinales faisaient les frais des traitements antibiotiques. Il semble qu’elles ne soient pas les seules. Si la majorité des études se focalisent sur l’impact des antibiotiques sur les bactéries, rares sont celles qui évaluent l’effet sur les autres microorganismes, champignons par exemple dont le rôle ne doit pas être sous-estimé. Une dysbiose du microbiote fongique, (ou mycobiote), a été associé à différentes pathologies (MICI, maladie cœliaque ou cancer colorectal). Or, ce mycobiote se construit progressivement dans les premières années de vie au même titre que la colonisation bactérienne en fonction du mode d’accouchement, du régime alimentaire ou encore d’éventuels traitements antibiotiques.
Une étude sur 37 nourrissons naïfs d’antibiotiques
Pour en savoir plus, des chercheurs ont suivi pendant 9,5 mois 37 enfants âgés de 2 mois en moyenne, n’ayant jamais reçu d’antibiotiques. Ces nourrissons étaient hospitalisés en raison d'une infection par le virus respiratoire syncytial (VRS). Des échantillons de selles ont été prélevés avant, pendant et après les 1 à 4 traitements antibiotiques (amoxicilline, macrolides) qui ont été prescrits à 21 d’entre eux en raison de complications (otite, etc.). Les 16 autres enfants, non traités, ont servi de contrôles.
Au moment de leur hospitalisation (donc avant traitement), le mycobiote des 37 enfants étaient très largement dominés par Saccharomyces, et dans une bien moindre mesure par Malassezia, Candida et Cladosporium.
Plus d’1 enfant sur 4 En Finlande, plus d’1 enfant sur 4 avait déjà reçu un traitement antibiotique avant ses 5 ans en 2019.
10 jours Dans les 10 jours qui suivent la naissance, le intestinal du nourrisson est colonisé par des champignons.
2 ans A 2 ans, le mycobiote intestinal d’un enfant montre déjà des similitudes avec celui d’un adulte.
Plus de Candida, plus de diversité et de richesse
Un à 2 jours après le démarrage du traitement antibiotique, l’abondance des Candida a largement augmenté chez les nourrissons sous amoxicilline, au détriment des Saccharomyces. Une sur-abondance des Candida était toujours observée plus de 6 semaines après le début du traitement.
De plus, les antibiotiques, connus pour induire un effondrement de la diversité et de la richesse du microbiote bactérien, allaient de pair avec une plus grande richesse et une plus grande diversité du mycobiote, qui apparaissaient dans les 3 à 5 jours suivant le démarrage du traitement et persistaient bien au-delà (> 6 semaines) ; la différence était plus marquée dans le groupe traité aux macrolides.
Les antibiotiques constituent une découverte scientifique extraordinaire qui permet de sauver des millions de vies, mais leur utilisation excessive et injustifiée suscite désormais de grandes inquiétudes pour la santé, notamment en raison de l'apparition de résistance aux antibiotiques et de dysbioses. Lisons la page consacrée à cette question.
Le rôle ambivalent des antibiotiques
Des bactéries régulatrices ?
Ces résultats suggèrent fortement une régulation permanente du mycobiote par les bactéries intestinales. Cette régulation prend la forme d’une compétition pour les sources de nutriments via la production de composés antifongiques par les bactéries et, inversement, de composés antibactériens par les champignons. Dès lors que les bactéries subiraient les effets d’un antibiotique, leur rôle régulatoire serait altéré et certains champignons, notamment Candida, auraient le champ libre pour se développer. Ainsi, une dysbiose du mycobiote intestinal après un seul traitement antibiotique pourrait, avec une altération des bactéries intestinales, être à l'origine des effets à long terme des antibiotiques sur la santé humaine.
Qu'est-ce que la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens ?
Depuis 2015, l'OMS organise chaque année la Semaine mondiale de sensibilisation à la résistance aux antimicrobiens (WAAW) dont l'objectif est de sensibiliser sur le phénomène mondial de la résistance aux antimicrobiens.
Cette campagne, qui se tiendra du 18 au 24 novembre, encourage le grand public, les professionnels de santé et les décideurs à faire un bon usage des antimicrobiens afin d'éviter l'apparition de résistance.