3e réunion de la FNM sur la motilité gastro-intestinale
Retour de congrès
Par le Dr. Jari Punkkinen
Département de médecine, Hôpital de Porvoo, Porvoo, Finlande
en_sources_title
en_sources_text_start en_sources_text_end
Chapitres
A propos de cet article
Extraits choisis sur le syndrome de l’intestin irritable et le microbiote intestinal.
Dysbiose du microbiote intestinal et syndrome de l’intestin irritable
La dysbiose du microbiote et son lien avec le syndrome de l’intestin irritable (SII) ont été discutés au cours de différentes sessions de la conférence. En particulier, les Professeurs Magnus Simrén et Uday Ghoshal ont mis en évidence certaines caractéristiques liées à la composition du microbiote chez des patients atteints de SII. Plusieurs études ont montré que la richesse microbienne des patients atteints de SII était moindre que celle des sujets sains, que les Methanobacteriales pouvaient ne pas être détectées et que la production de méthane était faible chez ces patients [1]. De plus, un sous-groupe de patients atteints de SII présentait une dysbiose associée à une augmentation des entérotypes Firmicutes et Bacteroides par rapport aux sujets sains qui présentaient une augmentation des entérotypes Clostridiales et Prevotella.
Cependant, il apparaît important de déterminer quelles bactéries sont associée au SII, mais aussi la raison de leur présence dans l’intestin et comment elles interviennent dans les mécanismes d’hypersensibilité viscérale, de dysfonctionnement neuromoteur, d’augmentation de la perméabilité intestinale et d’inflammation de bas grade. Une prolifération bactérienne de l’intestin grêle (PBIG, en anglais, SIBO : Small Intestinal Bacterial Overgrowth) peut être à l’origine du SII chez certains patients. Le défi actuel consiste à améliorer le dépistage de ces PBIG car la culture bactérienne à partir d’un échantillon de liquide d’aspiration de l’intestin grêle obtenu par endoscopie est difficile à réaliser et n’est pas toujours possible [2]. Le test respiratoire à l’hydrogène (après ingestion de glucose) peut être utilisé pour identifier ces patients ; il semble être plus précis que le test respiratoire à l’hydrogène (après ingestion de lactulose).
Modulation du microbiote intestinal dans le syndrome de l’intestin irritable
Le microbiote intestinal peut-il être modifié à des fins thérapeutiques ? Cela pourrait- il soulager les symptômes du SII ? Le microbiote intestinal peut être modulé en utilisant des antibiotiques, des probiotiques, des symbiotiques, en modifiant la motilité intestinale, en agissant sur le régime alimentaire, et par le biais de la transplantation fécale ou des bactériophages. Ces possibilités ont été discutées lors des présentations des Professeurs Uday Ghoshal et Giovanni Barbara. L’impact des antibiotiques est meilleur chez les patients atteints de SII présentant une PBIG. En effet, la norfloxacine et la rifaximine sont significativement plus efficaces pour réduire les symptômes du SII chez les patients positifs pour une PBIG que chez ceux négatifs pour une PBIG. Chez les patients atteints de SII ne présentant pas de constipation, conformément aux études Target 1 et 2, la rifaximine soulage les symptômes globaux du SII et les ballonnements. L’étude Target 3 et d’autres études ont montré que la rifaximine pouvait être utilisée de manière répétée en cas de récidive du SII-D (SII à diarrhée prédominante) sans perte d’effet ni de survenue d’une résistance bactérienne [3, 4]. De plus, la rifaximine réduit de manière transitoire le nombre de bactéries dans les selles mais semble également avoir un effet eubiotique, en augmentant l’abondance des Lactobacillaceae. Un régime pauvre en FODMAP semble réduire les symptômes chez certains patients atteints de SII, mais il entraîne également une réduction du nombre de bifidobactéries dans les selles.
Chez les patients atteints de SII répondant à un régime pauvre en FODMAP, la dysbiose augmente, et la sensibilité au régime alimentaire peut donc être prédite par les profils bactériens fécaux. L’efficacité de la transplantation fécale dans le SII reste controversée car elle n’a été démontrée que dans l’une des deux grandes études contrôlées randomisées [5, 6]. Comme indiqué par le Professeur Giovanni Barbara et sur la foi de 53 essais contrôlés randomisés, l’American College of Gastroenterology a conclu que les probiotiques réduisaient les symptômes globaux du SII ainsi que les ballonnements et les flatulences [7]. Pour être consolidée, cette recommandation mériterait d’être fondée sur de nouvelles données dont la qualité serait renforcée.
Cependant, tous les probiotiques ne sont pas équivalents. Le Professeur Eamonn Quigley a montré que Bifidobacterium infantis soulageait les douleurs abdominales, les ballonnements et les troubles du transit et qu’il améliorait la qualité de vie des patients atteints de tous les soustypes de SII. La souche semble également avoir des propriétés anti-inflammatoires et immunomodulatrices, puisqu’elle réduit les taux de CRP et de TNFα dans le psoriasis, le syndrome de fatigue chronique et la rectocolite hémorragique. De plus, les résultats préliminaires suggèrent que, en association avec Bifidobacterium longum, Bifidobacterium infantis pourrait également soulager les symptômes dépressifs associés au SII.
Microbiote et axe intestin-cerveau
Les résultats d’études précliniques ont montré que certains métabolites bactériens étaient susceptibles de modifier la réponse cérébrale à certains stimuli. Cependant, le défi consiste à transposer ces études sur le plan clinique. Le Dr. Huiying Wang a montré dans sa récente étude que la souche Bifidobacterium longum modulait l’activité cérébrale au cours d’un stress social observé lors d’une partie de Cyberball chez des volontaires sains en se basant sur une évaluation réalisée à l’aide de la magnétoencéphalographie et de questionnaires sur la qualité de vie. En plus d’un effet sur les oscillations neuronales, la souche améliore également la sensation de vitalité et réduit la fatigue mentale par rapport au placebo sur une période de suivi de quatre semaines. Le Pr. Paul Enck a décrit la relation entre le stress ou l’anxiété et le SII comme étant à double sens car les symptômes peuvent être à la fois la cause et la conséquence du SII. Une étude menée chez des patients atteints de SII a montré que la présence de Bifidobacterium longum était corrélée à une réduction des scores de dépression et d’anxiété ; cependant, à l’entrée dans l’étude, ces scores n’étaient pas suffisamment élevés pour établir un diagnostic de dépression ou d’anxiété [8]. Ainsi, il semble plus approprié de dire que ce probiotique affecte l’humeur plutôt que la dépression ou l’anxiété. À l’instar de Bifidobacterium longum, la rifaximine modulerait l’activité cérébrale, augmenterait la relaxation et réduirait l’anxiété au cours d’un stress social. C’est ce qu’a montré un essai randomisé en double aveugle mené chez des volontaires sains évalués à l’aide de la magnétoencéphalographie [9].